Une amie russe de notre APLP honoraire André Jacob nous autorise à partager cette lettre avec nos lecteurs.
Bonjour André,
Je vous remercie pour l’invitation à participer à une journée internationale pour la paix et contre la guerre. C’est vraiment important pour moi aujourd’hui quand deux de mes pays d’origine sont dans une guerre horrible. Deux, parce que la Russie, c’est le pays où je suis née et j’ai grandi et l’Ukraine, le pays où mes grands-parents, du côté de ma mère, sont nés et où ils sont enterrés dans un cimetière proche de Kiev. D’un autre côté, je crois qu’il est bon qu’ils soient décédés il y a plusieurs décennies et qu’ils ne voient pas cette horreur.
Dans vos mots, je retrouve l’empathie que j’ai connue lorsque je me suis installée à Montréal avec ma fille. J’ai eu le privilège d’étudier le français dans un centre de francisation où d’excellents profs, parmi lesquels quelques-uns sont devenus des amis.
C’est difficile pendant plus d’une semaine, de me réveiller et d’avoir peur de lire les nouvelles, bien que je n’aie pas de famille proche en Ukraine. Je suis chanceuse de ne pas me réveiller aux sons des canonnades et des sirènes d’alarme. Mais je suis Russe. Je suis de culture russe. Aujourd’hui, c’est vraiment difficile d’être Russe et d’être calme quand les gens mélangent les agresseurs et la population russe. Je ne parle pas des sanctions économiques contre la Russie qui affectent la population russe ni des oligarchies, mais du bannissement des athlètes russes qui participeront aux Jeux paralympiques d’hiver de Pékin 2022. La décision intervient moins d’un jour après que l’IPC a initialement autorisé les athlètes à concourir en tant que neutres sous le drapeau paralympique et l’hymne paralympique. Je parle aussi de plusieurs artistes russes aux États-Unis et en Europe qui ont été obligés d’exprimer publiquement leur attitude négative envers la guerre d’agression, et s’ils ne le font pas, on résilie publiquement leurs contrats pluriannuels. Je ne me souviens pas que, lors de l’invasion des États-Unis au Vietnam ou en Irak, l’on ait touché à un seul artiste nord-américain. Je parle aussi des nouvelles à la télé radio-canadienne quand une jeune fille parle de la guerre en Ukraine en disant : « les Russes sont très dangereux »…
Les Russes ! Pas le gouvernement russe ni les oligarques…
Je comprends que les préjugés soient un peu partout et que cela retarde le processus d’intégration des immigrants, mais dans ce cas-ci, il ne s’agit plus des préjugés véhiculés par la population face à la présence des étrangers, différents au niveau de leur culture, mais il s’agit d’une « manipulation » orchestrée par des gouvernements dits démocratiques, à travers nos médias et des déclarations officielles de nos gouvernements. On met dans la même définition du Russe, les militaires et le gouvernement sur le terrain de la guerre et la population d’origine russe, même si de nombreux citoyens et citoyennes russes agissent pour la PAIX avec peu de moyens.
On croirait revivre l’époque de mes parents, coupés du monde, pour le seul fait d’être nés en Russie… Avec cette vision officielle de l’Occident, on essaie d’effacer l’histoire relativement récente, où, plus de 25 000000 de Russes ont joué un rôle essentiel dans la défaite du nazisme en pavant avec leur vie le chemin de la PAIX et de la démocratie. C’est douloureux de constater ce revirement du Canada.
Il est évident que l’action du gouvernement russe est injustifiable et qu’elle contrevient aux accords internationaux, mais l’action systémique de pays membres de l’OTAN pour encercler le territoire de la Russie n’a pas favorisé un terrain de compromis et d’entente non plus. Le manque de protection des territoires de l’Est de l’Ukraine, depuis 2014, avec une majorité de population russophone, n’a pas favorisé ce compromis non plus.
C’est l’heure d’arrêter les canons russes et ukrainiens et la livraison d’armes en provenance des pays occidentaux en Ukraine et forcer un cheminement vers une trêve et une PAIX durable.
Je m’excuse pour ce discours long et émotionnel. Je crois que j’avais besoin d’écrire ce texte pour me calmer…
Merci encore André !
Tatiana
Chère Tatiana,,
Chacun de notre côté, la force est notre faiblesse. Chez nous il est trop facile de lancer des affirmations pleines de préjugés, comme vous le soulevez avec raison.
Que les douleurs et les ambiguités du moment puissent faire place à la sagesse des mouvements de paix, ceux de chez vous et ceux de chez nous.