D’abord, mauvaise nouvelle pour le président Bachar al-Assad: Moaz al-Khatib, un islamiste modéré qui croit à la séparation de l’État et de la religion, vient d’être nommé à la tête de la nouvelle Coalition nationale syrienne des forces d’opposition, donc des révolutionnaires. Son « magnifique »discours qui voit les militaires syriens non pas comme des ennemis mais comme des victimes manipulées politiquement est salué par le rédacteur en chef de l’édition arabe du Monde diplomatique, Samir Aita, ce que nous rapporte Agnès Gruda, une des chroniqueuses de La Presse les plus fiables et les plus objectives (c’est sans doute la raison pour laquelle elle n’y a jamais été nommée éditrice, tout comme sa consoeur Michèle Ouimet…) .
D’autre part, suite à mes échanges personnels avec l’ex-procureur de la Cour Pénale Internationale, Luis Moreno Ocampo, samedi le 10 novembre dernier à Toronto à la réunion annuelle Pugwash (je fais partie de l’exécutif de Pugwash Canada), ce procureur argentin aurait été tout à fait enclin à accuser le président Assad de crimes de guerre envers sa population civile (l’actuel procureur est maintenant Fatou Bensouda, de Gambie).
Les Artistes pour la Paix affirment se ranger ni dans le camp d’al-Khatib ni même dans celui de M. Moreno-Ocampo: ils supplient leurs alliés de ne pas suivre aveuglément ceux qui voyaient par exemple en M. Moreno-Ocampo un instrument des Américains, simplement parce qu’il refusait d’accuser de crimes de guerre des généraux américains. Il nous a bien expliqué samedi que ni les USA, ni la Chine, ni la Russie (ni d’ailleurs la Syrie) n’ayant joint les 121 pays (il y a cinq ans, ils étaient 78!) qui ont ratifié la Cour Pénale Internationale, par conséquent on ne peut directement accuser leurs ressortissants de quoi que ce soit en leur territoire. Omar el-Béshir a été accusé parce que le Soudan avait signé l’adhésion à la Cour Pénale Internationale mais comme il ne l’avait pas ratifiée, la CPI a agi avec la permission du Conseil de Sécurité. Dura lex sed lex…
À une question qui lui demandait s’il croyait que ce serait une bonne chose que les USA adhèrent à la Cour Pénale Internationale, il a finement répondu que cette superpuissance ne semble hélas pas prête à croire en la suprématie de la loi internationale sur la force militaire et a retourné la question à son interlocuteur: « Seriez-vous rassuré ou au contraire plus inquiet sur l’impartialité de la Cour si les États-Unis y adhéraient? »
La réunion Pugwash de samedi a donné lieu à une présentation très intéressante de son président, l’officier du Collège Militaire Royal de Toronto Walter Dorn, partisan des Casques Bleus canadiens décimés et un des plus féroces critiques du militarisme de Stephen Harper. Quoiqu’elle semble cynique, sa théorie de la « plausible deniability » ( comment traduire? Tactique de nier la vérité de façon plausible, appliquée aussi bien par les généraux fautifs que par nos maires accusés par la Commission Charbonneau!) fut hélas appliquée tant par le général africain que Moreno-Ocampo a réussi à faire emprisonner pour son usage d’enfants-soldats, que par Reagan à propos des Contras et du colonel Oliver North et que par ses successeurs pour couvrir des massacres de civils en Irak ou en Afghanistan. Elle déroule cinq étapes successives pour lasser les journalistes les plus endurcis qui doivent s’acharner à chaque étape à prouver le contraire:
1- Ce massacre n’a jamais eu lieu.
2- Il n’a pas été perpétré par nos forces armées.
3- Si elles l’ont perpétré, c’est entièrement à mon insu.
4- Elles ont agi sans que j’en aie personnellement donné l’ordre.
5- Si j’ai donné l’ordre, c’est que j’avais à ce moment-là d’excellentes raisons de le faire.
Intéressante théorie de stratégie d’échapper aux critiques, hélas appliquée aussi au sein de certaines unités répressives de nos forces policières, comme on le verra dans les deux derniers articles parus à ce sujet sur notre site.
Ces informations d’aujourd’hui semblent contredire des informations précédemment publiées sur notre site grâce à la plume d’Alain Lalonde, mais qu’on ne se prive surtout pas de les consulter ci-dessous, car la recherche de la vérité dans la guerre syrienne reste une entreprise incroyablement risquée, vu les manipulations d’informations de part et d’autre. Les Artistes pour la Paix se font un devoir d’essayer d’éclairer tous les côtés de la réalité.
Pierre Jasmin, vice-président des APLP
qui remercie le premier juge et fondateur de la Cour Pénale Internationale, maître Philippe Kirsch, de lui avoir envoyé un long courriel avec des précisions justifiant les corrections inscrites aujourd’hui le 18 novembre
Pour nos membres, je rappelle ma lettre de juillet 2011:
De : Jasmin, Pierre
Envoyé : 7 juillet 2011 09:29
À : info@ambassadesyrie.fr; ambassade-syrie@wanadoo.fr
Objet : manifestations en Syrie
Madame l’Ambassadrice,
Président des Artistes pour la Paix, j’exprime par ce courriel la préoccupation de notre organisation de trois cents membres pour que les idéaux de justice, paix et démocratie soient respectés en Syrie.
Depuis plusieurs semaines, la Syrie est portée par le vent d’espoir insufflé par la Tunisie et l’Egypte, dont je viens de rencontrer une douzaine de représentants à Berlin lors de la 59e rencontre internationale Pugwash, parrainée par le ministre des Affaires étrangères d’Allemagne Guido Westerwelle.
Notre compréhension des troubles agitant votre pays est que des gens manifestent pour la mise en place de réformes démocratiques dans leur pays et qu’ils sont réprimés par une extrême violence faisant des centaines de morts.
Nous condamnons cette répression et le recours à la force du gouvernement syrien
face à une population qui s’exprime pacifiquement quant à sa majorité. Nous apportons notre soutien au peuple syrien qui lutte pour des principes de liberté. Nous demandons que la France et l’ONU agissent hors de tout aventurisme guerrier pour ne pas répéter le scénario libyen. Nous demandons que la France et l’union Européenne agissent par tous les moyens diplomatiques, médiatiques, politiques, économiques et financiers pour
obtenir l’arrêt des tueries actuelles et exiger du Gouvernement syrien une
réponse politique et pacifique. Enfin, nous suggérons l’envoi d’une délégation des Nations-unies auprès du gouvernement syrien pour trouver une issue politique et pacifique.
Pierre Jasmin
Président des Artistes pour la Paix
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