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Le Mouvement Québécois pour la Paix, avec la Hamilton Coalition to Stop the War,
22 avril, Jour de la Terre.

Il y a un an, à la suite de sa déclaration sur la pandémie de Covid-19, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé les dirigeants du G-20 à lever toutes leurs sanctions économiques contre les pays les plus pauvres du monde pendant toute la durée de la pandémie. António Guterres a noté : « rappelons-nous que nous ne sommes aussi forts que le système de santé le plus faible de notre monde interconnecté. »

Pas un seul dirigeant du G-20 ne s’y est conformé. Certains, comme Trump, ont réagi en augmentant leurs mesures économiques coercitives contre des pays comme le Venezuela et l’Iran, en calculant cyniquement que la pandémie et les sanctions économiques y provoqueraient des changements de régime.

Au Canada, deux organismes de paix, fonctionnant dans les deux langues officielles du pays, se sont unis pour appuyer le message du Secrétaire-Général au Premier Ministre Justin Trudeau, avec une lettre de cent Canadiens inquiets demandant à Trudeau de lever les sanctions économiques que le Canada applique contre 20 pays, dont 9 du continent africain. Il est regrettable que le Premier ministre ne se soit même pas donné la peine d’y aller d’une réponse substantielle.

En conséquence, les deux organismes ont fait parvenir une pétition sur change.org répétant la même demande adressée au PM. Toujours sans réponse, les deux groupes ont organisé la pétition sénatoriale e=2630, avec l’aide appréciée du député NPD Scott Duvall qui, après avoir obtenu plus que les règlementaires cinq cents signatures d’appui, a finalement reçu une réponse du député Rob Oliphant, Secrétaire-Parlementaire attaché au Ministère des Affaires étrangères. Nous l’en remercions, même si aucun des groupes de paix n’en fut vraiment satisfait.

Par conséquent, vous trouvez ci-dessous notre réplique à la position gouvernementale, telle que défendue par le député Rob Oliphant :

1Le gouvernement du Canada devrait respecter la règle du droit international. La Charte des Nations-Unies décrit les sanctions économiques comme un acte de guerre qui peut enlever davantage de vies que les balles ou les bombes, et par conséquent réserve le droit à appliquer ces mesures économiques coercitives seulement au Conseil de Sécurité. Étant unilatérales, les sanctions économiques canadiennes contre 19 des 20 pays sont illégales puisqu’elles n’ont pas été entérinées par le Conseil de Sécurité. Elles constituent en outre une ingérence dans les affaires internes d’autres pays souverains, que la Charte des Nations-Unies et la loi internationale des siècles passés considèrent illégale. Le Canada devrait donc cesser d’appliquer des mesures coercitives économiques unilatérales.

2Les droits de la personne sont devenus une arme utilisée par beaucoup de gouvernements occidentaux, incluant le Canada. Des supposées violations de droits humains sont grappillées unilatéralement par ces gouvernements qui invoquent des doctrines d’interventionnisme humanitaire et de responsabilité de protéger (R2P) qui furent utilisées contre des pays tels que la Yougoslavie et la Libye en détruisant des états et en réduisant une grande partie de leurs populations en réfugiés. Est-ce parce qu’ils sont dans la sphère d’influence du pouvoir armé des États-Unis que les violations de droits humains ne sont jamais utilisées comme prétextes à interventions ou à sanctions contre des pays délinquants tels que l’Arabie saoudite ou Israël, dans sa politique d’apartheid contre les Palestiniens?

3Nous contestons respectueusement la caractérisation par le Secrétaire-Parlementaire des sanctions canadiennes, comme « appliqu[ant] une approche ciblée et une analyse rigoureuse afin de minimiser les conséquences néfastes pour la population civile, y compris les groupes vulnérables, (…) comme les femmes et les filles ». Mais en réalité, les sanctions canadiennes sur la Syrie et le Venezuela, pour ne retenir que ces deux exemples, ont causé un chômage étendu, la dévaluation de leurs monnaies, des pertes d’épargnes individuelles, des pénuries de carburants, de nourritures et surtout de médicaments, de plus nombreux sans-abri, une criminalité et des mortalités accrues. Ces conséquences des sanctions économiques affectent de manière disproportionnelle les femmes et les enfants. Au Venezuela, on estime à 40 000 morts dues aux sanctions organisées par le Groupe de Lima, dont le gouvernement Trudeau est un membre-fondateur. En Syrie, combinées aux expéditions d’armées de mercenaires commanditées par la coalition américaine, dont le gouvernement Harper était membre fondateur, les mesures économiques coercitives ont contribué à transformer 5.5 millions de syriens en réfugiés. Dans les deux pays cités, si les plus riches ont les ressources nécessaires à surmonter les sanctions, ce sont les plus pauvres qui souffrent davantage ou ont dû fuir leur pays. Dans ce contexte de guerre hybride et de pauvreté rampante, le trafic humain est en hausse, affectant spécialement « les femmes et les filles », contrevenant à la volonté de Trudeau d’instaurer une politique étrangère supposément féministe.

4L’argument de M. Oliphant selon lequel « la conception et la mise en œuvre des sanctions n’entraveraient pas [notons l’usage du conditionnel] la capacité d’un pays sanctionné de lutter contre la pandémie du COVID-19 » ignore le fait que le gouvernement américain a forcé ses partenaires, dont le Canada, à obéir à son régime d’extraterritorialités appliqué aux états ciblés, en pénalisant les corporations même non américaines qui oseraient passer outre aux sanctions américaines. Ces dernières vont jusqu’à viser toute institution financière mondiale et à les empêcher de fournir les fonds nécessaires et les papiers pour faciliter le transfert de nourriture et de médicaments aux pays sanctionnés. Exemple dramatique : l’Iran a ainsi été incapable de recevoir les vaccins COVAX anti-Covid pourtant offerts à ce pays.

5Enfin, le gouvernement Trudeau aurait intérêt à se regarder dans le miroir. Plutôt que de guetter à l’étranger les « violations flagrantes des droits de la personne, corruption importante ou comportements qui bafouent la primauté du droit et menacent la paix et la sécurité mondiales », qui sont les raisons d’être selon le Secrétaire-Parlementaire Oliphant des mesures économiques coercitives, le gouvernement fédéral devrait s’appliquer à éliminer la discrimination systémique qui fait en sorte que des douzaines de communautés autochtones manquent encore d’eau potable et souffrent d’insuffisantes ressources médicales et éducationnelles. L’an dernier, la Gendarmerie Royale du Canada a commis des actes résultant en morts en nombre alarmant de membres autochtones, sans compter son incapacité à résoudre les meurtres ou disparitions d’un millier et plus de femmes autochtones et inuites. Ces « violations flagrantes des droits de la personne », termes utilisés par M. Oliphant dans sa réponse, ne représentent que la partie submergée d’un iceberg consistant dans le passé en écoles résidentielles, en stérilisations forcées de femmes autochtones et métis, en des taxes exclusivement appliquées aux Chinois, et pendant la Seconde guerre mondiale, en l’internement abusif des Canadiens d’origine japonaise et le refus de permettre aux réfugiés juifs l’accès au pays, parmi d’autres disgrâces nationales. Une « corruption importante » afflige aussi notre pays (i.e. affaires SNC-Lavalin et WE-charités), tandis que des « comportements qui bafouent la primauté du droit » ont été observés dans le kidnapping de Mme Meng Wanzhou et dans l’illégalité canadienne face au Traité de Commerce des Armes (ONU) par son exportation d’armes à l’Arabie Saoudite et face à Haïti et à l’Ukraine, où les coups d’état respectifs de 2004 et de 2014 ont été perpétrés avec la complicité canadienne. Les personnes habitant des maisons de verre ne devraient pas lancer des roches.

Conclusion

En ce premier anniversaire de notre lettre ouverte, les crises de santé et économiques causées par la pandémie se sont creusées, en réponse desquelles le Premier Ministre Trudeau devrait agir immédiatement en annulant de façon permanente toutes les sanctions économiques que le Canada applique encore envers 20 pays.