Voici sa réaction relatée par Marc-André Lussier (La Presse) : « Je suis très honorée et touchée par ce prix, parce qu’il vient du Québec. Au cours des années passées, je n’aurais pas pensé que nous pourrions en venir à ce point de certain respect, qui n’existait pas avant envers nos nations. C’est encourageant car nous nous dirigeons vers une autre ère, où tout sera possible, alors que pendant si longtemps, tout était impossible. » On y reviendra en relatant notre été 1990.
S’il y a eu des déceptions…
La nomination d’Alanis compensa pour une sélection qui a ignoré Une manière de vivre de Micheline Lanctôt pourtant bien à l’écoute de la jeunesse et, surprise du scénario, de la communauté Chisasipi, et pour un jury qui a boudé Kuessipan de Myriam Verreault, immergée dans la vivante jeunesse innue.
Le film La femme de mon frère, de Monia Chokri, avec 11 nominations, est aussi reparti les mains vides, ce qui semble totalement incompréhensible pour un film québécois doublement distingué l’an dernier au Festival de Cannes ! On aura longtemps dans la mémoire sa si vive description d’un monde jeune et éclaté magnifiquement, incarné par l’incomparable énergie vraie d’Anne-Élisabeth Bossé, propulsée étoile de notre cinéma, mais aussi celle de Patrick Hivon et d’Évelyne Brochu, sans compter les rôles de leurs parents pittoresques et attendrissants. Peut-être mon attachement au film provient aussi de sa description sans pitié du monde universitaire ingrat.
Il y a surtout eu de nombreux motifs de fêter
Sympathie pour le diable, de Guillaume de Fontenay méritait son prix de meilleur premier film, avec Niels Schneider dans le rôle de Paul Marchand. « Le rêve d’un monde meilleur est obscène et turbulent. Paix à ton âme, Paul. Et paix à tous ceux et celles qui ont souffert du siège de Sarajevo », a déclaré de Fontenay, ému.
Il pleuvait des oiseaux, de Louise Archambault, avec treize nominations, mettant en scène des personnes âgées, déconfinées et attachantes, s’est vu décerner le prix de la meilleure actrice, remis à Andrée Lachapelle que nous avions honorée du prix Artiste pour la Paix de l’année 1990.
Et il s’est vu aussi décerner le prix du meilleur acteur : victime d’une campagne mesquine et ingrate d’étudiants de théâtre, Gilbert Sicotte avait aussi reçu ce prix prestigieux pour ses rôles dans Le vendeur en 2012 et Paul à Québec en 2016 : on l’attend en 2024 ! Ses remerciements étaient particulièrement émouvants et circonstanciés : « Ce prix me parle parce qu’il aborde une histoire d’amour entre des aînés, a-t-il commenté à La Presse (merci encore à M.-A. Lussier). Avec la pandémie que les personnes âgées ont vécue, j’ai le sentiment que ce trophée est remis à tous ces gens, qui ont vraiment trop souffert et je le partage avec eux. Et qu’Andrée [Lachapelle] le gagne aussi, c’est comme une reconnaissance que l’amour est possible même quand on est plus âgé. Ça nous dit que des surprises peuvent encore surgir dans la vie. Il y a parfois des films qui ont une portée qui dépassent le cinéma ».
Et enfin, le phénomène Antigone
Antigone de Sophie Deraspe mérite ce dernier commentaire de Sicotte puisqu’il a triomphé six fois, notamment comme meilleur film, meilleure réalisation et meilleur scénario auquel mon article de 2019 soulignait l’apport de Monique Proulx. Se faisant l’écho du printemps érable 2012 et prophétisant la ruée la semaine dernière dans les rues de notre jeunesse révoltée par le racisme et la violence policière, le film brille aussi par le prix de révélation de l’année remis à l’actrice Nahéma Ricci-Sahabi. Meilleur film canadien au festival international de Toronto, choisi pour représenter le Canada aux Oscars, consacré meilleur film aux Prix Écrans canadiens, Antigone est maintenant promu meilleur film québécois. L’art triomphant pallie la désinformation politique !
« Même s’il n’y a pas d’écho à la brutalité policière dans le texte de Sophocle, il reste qu’il évoque quand même les failles d’un système auquel une jeune femme s’oppose, explique Sophie Deraspe à La Presse. Pour moi, ça m’est apparu comme une évidence. Et cette évidence, nous l’avons en plein visage depuis deux semaines [l’assassinat de George Floyd]. C’est malheureux que ce film de fiction soit autant d’actualité. En même temps, il est heureux que ce qui se passe présentement ne nous laisse pas indifférents. »
En résumé, les Iris 2020 ont pulvérisé le plafond de verre en distinguant à bon droit de remarquables femmes réalisatrices et comédiennes dont les 9 noms sont en gras caractères.
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