Mis à jour le 26 juillet

president-burundi-pierre-nkurunziza

Pierre Nkurunziza. Photo Archives AFP

Le séjour du maire de Mont-Saint-Hilaire au Burundi fait l’objet de critiques. Yves Corriveau y a été reçu cette semaine par le président Pierre Nkurunziza, dont le régime fait l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité.

La rencontre cette semaine entre le maire de Mont-Saint-Hilaire, Yves Corriveau, et le président du Burundi, Pierre Nkurunziza, suscite l’indignation de Burundais installés au Canada et la désapprobation du seul conseiller municipal indépendant de la ville montérégienne.

Le maire Corriveau a terminé, hier, une visite officielle d’une semaine au Burundi, petit pays d’Afrique de l’Est voisin du Rwanda, où il a signé une entente pour le jumelage de sa ville avec la capitale, Bujumbura.

C’est en ces mots que débute l’article paru dans La Presse le 12 juillet sous la plume de Jean-Thomas Léveillé. On peut lire le texte en entier en cliquant ici.

La visite de M. Corriveau a en effet suscité des réactions, dont celle du président national des APLP, André Michel, qui se trouve à être résident de Mont-Saint-Hilaire :

En voulant soigner leur image publique, les maires des petites municipalités ne réalisent pas que leurs actions encouragent des régimes pas toujours recommandables. Dans ce cas-ci, un dictateur exploite cette visite et les images pour amnistier ses tueries. En tant que président des APLP, je ne peux admettre cela. Bref, un exemple à ne pas suivre pour les autres élus.

Cette idée de se rendre au Burundi du maire Yves Corriveau est d’autant plus cocasse que ce printemps, la MRC de la Vallée du Richelieu, dont sa ville fait partie, a passé une résolution à l’unanimité, pour que ses 13 maires deviennent membres de l’Association internationale des Maires pour la Paix que préside le maire d’Hiroshima !

Voici aussi la réaction d’un citoyen burundo-canadien, M. Kevin Legrand. Sa réponse a pris la forme d’une lettre ouverte au maire de Mont-Saint-Hilaire, dont voici le contenu :

Monsieur le Maire, vous faites le jeu d’un Tyran !

Vous visitez notre pays, il est beau n’est-ce pas ? Or ce pays compte à peu près plus de 400 mille réfugiés selon le HCR. Ces gens-là n’ont pas fui la paix. Ces réfugiés n’en veulent pas au régime comme vous le dites non plus, le régime a plutôt quelque chose contre eux! Nuance. Car voyez-vous, votre hôte a violé la Constitution en s’arrogeant un 3e mandat illégal. Inspirés par la vague de jeunes qui, sur le continent, rejettent ces présidents à vie, de braves patriotes ont protesté afin de sauver l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi, en particulier, en son article 7 point 3 qui interdit d’exercer plus de 2 mandats. Obtenu sous l’égide de Nelson Mandela et Julius Nyerere, quoique perfectible, cet accord donnait une chance à la paix à ce beau pays si longtemps meurtri.

Une grande et impitoyable répression contre les manifestations s’en est suivie. Elle fut féroce, très féroce, en particulier à Bujumbura, la belle Bujumbura, où votre projet de jumelage comprend des solutions pour gérer les déchets de la ville. Faites surtout attention, lors du nettoyage, aux squelettes des nôtres enfuies dans des fausses communes afin qu’on puisse les enterrer, dignement, un jour. Oui monsieur le maire, en dessous du tapis rouge d’horreur qu’on vous déroule, vous enjambez, sans le savoir ou en connaissance de cause, plusieurs cadavres des nôtres; des victimes de cette répression terrible qui continue.

Mais de grâce monsieur le maire, ne dites pas n’avoir constaté de danger. Je vous l’accorde, c’est difficile de voir, tant la vue est obstruée par une absence de véritables et crédibles associations des droits de l’homme qui ont été bannies, leurs leaders étant soit en prison ou en exil. Le bureau des Nations Unies en charge des droits de l’homme étant fermé; une centaine de journalistes étant en exil; les médias étant brûlés et les derniers médias libres étant sur la sellette, en passe d’être fermés. La Radiotélévision Nationale du Burundi (RTNB), l’unique média public audiovisuel, a maintenant à sa tête le chef des Imbonerakure, tout comme le ministère des affaires étrangères, un ancien chef aussi. Pour rappel, les Imbonerakure, que l’ONU qualifie de milice et qui se rapportent directement au président, commettent des viols, tortures, meurtres et disparitions forcées en toute impunité. D’ailleurs, on apprend qu’au même moment où vous serrez la main du président, une fillette de 13 ans aurait été violée par un imbonerakure. Ses cris ont probablement été bouchés par les sirènes du cortège du maire de la ville qu’on a mis à votre disposition. Accordez-nous de reconnaître et de vous concéder, en retour, le fait qu’on ne saurait percevoir «aucun danger particulier» dans un tel contexte.

Soyez tout de même curieux. Lisez les rapports des organisations des droits de l’homme, celui des experts de l’ONU ou celui du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères du Canada. Malgré le bon accueil de la population, car c’est malgré tout notre tradition, consultez les statistiques du PNUD, l’indice de la corruption, les chiffres de l’OMS, pour vous donner une idée de la misère dans laquelle elle croupit. Ne vous fiez pas aux thuriféraires du régime à l’instar de Willy Nyamitwe, qui tire à boulets rouges sur un journaliste de La Presse pour avoir écrit sur cette visite, car ces sbires ont leurs familles chez les colons, comme ils vous appellent. Le Chef du protocole et bras droit du président, aperçu sur une de vos photos, sa famille est ici au Canada à l’abri, interrogez-vous pourquoi.

Ceci est une interpellation de la part des « Mujeri», comme nous appelle le président Nkurunziza, soit des chiens faméliques enragés. A éradiquer donc. Lors de l’holocauste, les gens à exterminer étaient traités de vermines et de rats pour mieux les déshumaniser, les chosifier pour justifier leur extermination ! Vous êtes un homme intelligent, le parallélisme ne vous échappera pas. Ne faites donc pas le jeu du régime.

Un grand homme a dit : « Ce qui me fait peur ce n’est pas la méchanceté des gens méchants, mais le silence des justes ». Or, il semble que vous êtes, tout de même, un homme bien. Votre hôte sera probablement là à vie, soit en rempilant pour un énième mandat à la tête d’un pays exsangue, soit en étant intronisé comme Roi comme cela se murmure, voir en passant la main à sa femme, comme disent d’autres rumeurs. Ce qui est sûr ? D’autres souffrances humaines à l’horizon. Vous, vous serez toujours un hôte de marque, tant et si bien que vous fermerez les yeux sur le sort tragique des Mujeri et les crimes contre l’humanité de ce régime. « Malheur aux yeux fermés » dit le prophète. « Je me souviens », dit-on ici, au Québec.

Merci,

Un citoyen burundo-Canadien qui a été meurtri par le régime actuel au Burundi

 

Développements survenus depuis le 24 juillet

Tel que raporté par le journal L’Oeil régional, les élus de Mont-Saint-Hilaire ont rejeté le projet d’entente avec Bujumbura. On peut lire la suite en cliquant ici (voir pages 4 et 8).

Le maire a écrit aux citoyens de Mont-Saint-Hilaire pour s’excuser, mais pas aux citoyens du Burundi, ce qui a entraîné la réaction suivante de l’Assemblée des Burundais du Canada.

À qui de droit,

En réaction à l’article dans L’œil régional du 24 Juillet 2019 intitulé « Réponse du maire Yves Corriveau sur son voyage au Burundi », l’Assemblée des Burundais du Canada, Section Montréal, tient à livrer sa pensée.

Monsieur le Maire,

Nous sommes des milliers de vos compatriotes, sinon concitoyens, à vous croire. Nous sommes Québécois et nous sommes nés au Burundi.

Nous vous croyons quand, en nous exposant la raison de votre visite, vous nous dites que le nouveau consul honoraire du Burundi à Mont-Saint-Hilaire vous a lancé l’idée du jumelage avec Bujumbura.

Nous vous croyons quand vous dites que cette ville a besoin d’aide sur le plan environnemental. Nous l’attestons, nous la connaissons très bien. Nous essayons très fort, également, de vous croire quand vous dites que vous ignoriez rencontrer le Président Nkurunziza.

Enfin, tout en tiquant, nous vous accordons le bénéfice du doute quand vous clamez le manque de préparation qui accompagna cette mission, qui par ailleurs « se limitait au secteur municipal ». Quoique, en y pensant, un tel dilettantisme ne sied guère à un élu politique d’une grande nation démocratique. Alors pas du tout.

Mais ce que notre foi n’arrive pas à expliquer, c’est votre réaction, une fois que vous avez pris la mesure de la « nature plus nationale » de la couverture médiatique: vous regrettez avoir froissé vos concitoyens, en toute bonne foi, et vous vous en excusez. Ce que nous sommes résolument incapables de croire, c’est que vous semblez ignorer de manière très ostensible la raison de leur courroux. Ils ne peuvent raisonnablement pas vous en vouloir à ce point juste parce que vous avez engagé la responsabilité de leur ville sans leur consentement. Et vous ne pourrez clamer l’ignorance deux fois.

Monsieur le Maire, ils vous en veulent parce que vous avez voulu signer un pacte avec le diable lui-même. À l’heure actuelle, vous êtes au courant de la situation politique dans ce pays. Des milliers de réfugiés. Des milliers de morts. Des milliers de disparitions forcées. De l’infinie terreur, au-delà du verni de calme que vous avez volontairement consenti à voir. Même sans recherche préalable, personne ne pouvait vous forcer à vous mettre des œillères vous protégeant de la vue de militaires quadrillant la ville, des barrages innombrables. Notre impression est que, sans le tapage médiatique, vous auriez continué à l’ignorer. Et à cet effet, en tant que concitoyens et compatriotes, nous osons espérer que vous demandez également pardon à ces morts, ces disparus, ces réfugiés. Enfin, pardon de continuer à les ignorer, car vous n’en avez plus le droit; vous avez pactisé avec leur bourreau.

ABC Montréal.

Et finalement, le 25 juillet, tous les conseillers municipaux de Mont-Saint-Hilaire qui faisaient encore partie de l’équipe du maire Yves Corriveau ont claqué la porte de sa formation. Lire l’article de La Presse en cliquant ici.