Une grande visite au Québec : le député kurde du HDP Hisyar Özsoy
Il y a une semaine, conjointement avec la ministre des Relations internationales et de la Francophonie, madame Saint-Pierre, le député de Granby, François Bonnardel, le député de Mercier, Amir Khadir, le député de Gaspé, Gaétan Leliève, le député de Groulx, Claude Surprenant et le député indépendant de Laurier-Dorion, la motion suivante a été présentée par le Parti Québécois et son député de Verchères, Stéphane Bergeron :
«Que l’Assemblée nationale réaffirme son attachement indéfectible aux institutions démocratiques, à l’État de droit et aux libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression et d’association, ainsi que son engagement à les défendre et [à] les promouvoir partout dans le monde;
«Que l’Assemblée nationale exprime sa préoccupation concernant les questions d’arrestations et les détentions de citoyens, de journalistes et particulièrement de parlementaires et d’élus municipaux du Parti démocratique des peuples en Turquie;
«Que l’Assemblée nationale rappelle l’importance de l’engagement de [chacune et] chacun en faveur d’un État garant de l’égalité de tous ses citoyens, sans distinction de leur sexe, de leurs croyances politiques ou religieuses.»
Le Réseau de solidarité kurde du Québec [1] est heureux de souligner que l’Assemblée nationale du Québec est devenue le 13 juin la première assemblée législative au Canada à exprimer une motion de solidarité avec les députés du Parti démocratique des peuples (HDP), la plupart emprisonnés. La motion fut passée lors de la visite à l’assemblée nationale du Dr. Hisyar Özsoy, co-président du HDP et son porte-parole en matière d’Affaires étrangères.
On déplore que le parti supposément libéral au Parlement d’Ottawa ait refusé d’en faire autant, à la demande pourtant éloquente d’Hélène Larivière, jouissant de l’appui évident de son parti, mais aussi du Bloc Québécois et même de plusieurs conservateurs.
Réjouissons-nous tout de même que la motion ait été adoptée à l’unanimité au Québec, grâce aux pressions efficaces de nos amis kurdes du Réseau de solidarité et des efforts héroïques de notre ex-vice-président Dimitrios Roussopoulos et de Nathan McDonnell. Remercions en particulier la conseillère spéciale pour la diversité de Jean-François Lisée, Évelyne Abitbol, qui bien qu’active au PQ depuis janvier seulement, a déjà de beaux accomplissements à son crédit. Rappelons qu’elle a eu l’idée de ce témoignage émouvant des trois enfants de Raïf Badawi, plaidant auprès de Justin Trudeau la libération de leur père des geôles de l’Arabie Saoudite où il croupit depuis cinq ans.
Erdogan qui a emprisonné Taner Kiliç, président en Turquie d’Amnesty International, a organisé un référendum pour augmenter son pouvoir, jouissant du martellement d’une propagande à sens unique alors que ses adversaires étaient emprisonnés. Cela s’annonçait comme un plébiscite aux deux tiers des votes, avant même sa tenue : en réalité, le référendum n’a été « gagné » par Erdogan qu’à 51%, avec moultes irrégularités soulignées par les observateurs de l’OSDE.
Revenons à M. Özsoy qui dimanche le 11 juin a livré une remarquable allocution au Centre communautaire arménien de Montréal, en dressant un portrait nuancé du peuple turc, saluant le « vrai » résultat du référendum, mais sans aménité pour Erdogan « qui se croit au-dessus des lois». Cette indulgence de M. Özsoy est la marque d’un grand humaniste, détenteur d’un doctorat de l’Université du Michigan, qui déplore que le gouvernement actuel ait vicié la société turque par des discours de haine raciste. Le tourisme reste éloigné, 5000 personnes restent en prison et lui-même, qui retournera chez lui, s’attend à être emprisonné. À une question des APLP sur le sort des réfugiés syriens, afghans et autres bloqués en Turquie, il a répondu qu’il voyait leur sort peu enviable entre les mains du dictateur, qui s’en joue comme d’une pièce de monnaie d’échange avec la chancelière allemande Angela Merkel (qui n’est pas dupe) et s’en sert comme une main d’œuvre corvéable soumise aux pires injustices et privée des droits les plus élémentaires. Quant à sa propre vision politique, elle est étonnamment souple, sauf sur deux points : « I do not believe in borders, nor in religious states ». On l’approuve !
Manifs et actions des 17, 18 et 20 juin
Évelyne Abitbol fut active toute la journée du 17 juin, où elle a rendu visite à la Ligue des Noirs, après une rencontre avec Pierre Jasmin près du métro Atwater, au milieu de représentants bénévoles d’Action Réfugiés Montréal (ARM), ALPA (Accueil et Liaison pour Arrivants), Carrefour d’Aide aux Nouveaux Arrivants (CANA), Médecins Sans Frontières (MSF), RIVO et SINGA Québec: tout ce beau monde avait organisé une marche symbolique sur la rue Sainte-Catherine pour célébrer le courage et la résilience de celles et ceux qui ont dû fuir leur pays, y compris les centaines de milliers de réfugiés d’Amérique centrale chassés par des dictatures maintenues au pouvoir par les États-Unis. De même, le 18 juin, Solidarité sans frontières et le Collectif des Femmes sans statut manifestaient rue Côte-des-Neiges pour que Montréal soit davantage une ville-sanctuaire, où de pauvres immigrants ne soient pas obligés de travailler à 7$ l’heure, sans accès à l’assurance-santé ni à l’école pour leurs enfants.
Enfin merci à madame Abitbol à qui on doit la photo suivante prise le 17 juin alors que la grande militante Nancy Brown (Amnistie internationale et Mouvement Québécois pour la Paix) signait notre solidarité commune envers les mouvements pro-réfugiés rassemblés pour une marche à partir du YMCA de la rue Tupper, à l’égide du Haut-Commissariat pour les Réfugiés, une marche colorée animée par des réfugiés de diverses communautés. Rappelons que le nouveau Secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres (voir notre article sur http://www.artistespourlapaix.org/?p=12367) a été Haut-Commissaire pour les réfugiés avant son poste actuel et qu’il y avait réussi une restructuration efficace qui passe hélas inaperçue, vu le financement réduit et vu l’afflux de 65 millions de réfugiés de nos guerres ou de nos scandaleux apports canadiens (sables bitumineux et autres) au réchauffement climatique créant son lot de réfugiés.
À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés le 20 juin 2017, les organismes de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) se sont mobilisés pour célébrer cette importante journée sous le thème « Nous sommes solidaires #AveclesRéfugiés », à midi à Montréal au Complexe Guy Favreau – Vernissage d’une Exposition de Milos Reindl – Do not pass by –(TCRI, HCR, MIDI, Ville de Montréal, Fondation Palbric…). C’est au 2330 de la rue Sherbrooke ouest, que Pax Christi International a lancé aussi le 20 juin sa campagne inédite sur la non-violence avec un discours de Marie Dennis, co-présidente internationale du mouvement, et de Judy Coode, coordonnatrice de la campagne sous les yeux de Martin Duckworth, APLP de l’année 2002.
Bref, ce ne sont pas les occasions qui manquent pour se déclarer solidaires (quoiqu’on aimerait une meilleure concertation pour créer un seul super-événement!). On se souviendra de notre participation il y a un mois à la superbe activité de trois jours par l’ATSA (APLP2008), devant la Place des Arts en relisant son compte-rendu http://www.artistespourlapaix.org/?p=13241 ou en regardant la belle publicité-vidéo que nos amis nous envoient sur https://www.youtube.com/watch?v=Yo708D0v_x4 .
Le gouvernement Trudeau surprend avec deux lois
La Canadian Association of Refugee Lawyers se réjouit d’abord de l’adoption du projet de loi C-6 qui défait les pires effets du C-24 conservateur qui prévoyait de priver de la citoyenneté canadienne des immigrants possédant une citoyenneté autre, mais soupçonnés de mauvaises intentions, créant ainsi de facto deux classes de citoyens canadiens. La CARL avait fait signer une pétition dénonçant cette pente dangereuse par 117 000 citoyens !
Enfin, il est trop tôt pour se réjouir, à la lecture d’un texte par Stéphane Bordeleau de Radio-Canada, du projet de loi C-59, qui semble sur la voie de soumettre toutes les agences de renseignement et de sécurité du pays à la supervision d’un organisme central et indépendant. Ce « super organisme », selon les termes du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, aura un droit de regard sur les opérations de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et du Centre de la sécurité des télécommunications (CST), ainsi que sur tout ministère ou agence ayant des activités de renseignement. Le nouvel organisme, qui portera le nom d’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, comprendra un comité d’experts qui aura pour mandat de veiller à l’optimisation des opérations de renseignement. Il devra aussi s’assurer qu’elles sont conformes au cadre constitutionnel et aux droits et libertés des citoyens (pour éviter une nouvelle affaire Maher Arar et même un recours canadien à la torture…).
Le projet de loi C-59 comprendra l’adoption d’un engagement en plusieurs points, dont l’obligation d’obtenir un mandat judiciaire pour mener une opération antiterroriste qui pourrait limiter ou violer les droits et libertés d’un citoyen. « Les gouvernements n’ont pas de responsabilités plus importantes que de garder leurs citoyens en sécurité et de sauvegarder leurs droits et libertés. Ce sont des obligations fondamentales » a déclaré le ministre Goodale. Par contre, Harjit Sajjan, ministre de la Défense nationale, a ajouté :
« Le Centre de la sécurité des télécommunications fonctionne dans un monde technologique qui évolue rapidement. Le projet de loi préservera la capacité du Centre de fournir au gouvernement du Canada les renseignements nécessaires pour protéger les Canadiens et contribuera à renforcer nos cyberdéfenses nationales tout en renforçant la transparence, la responsabilisation et la surveillance de ces activités. »
La loi antiterroriste des conservateurs corrigée
Ce projet de loi, présenté mardi à la Chambre des communes, vise également à apporter des modifications à la loi antiterroriste C-51, adoptée par le gouvernement Harper, en 2015. À l’époque, on reprochait essentiellement à cette loi d’ouvrir la porte à la violation des droits des citoyens et de leur vie privée, en plus d’accroître la latitude des agences de renseignement et de la police en matière d’écoute électronique, de saisies, de perquisitions. On lui reprochait aussi de faciliter la détention préventive d’individus jugés suspects pour une durée de sept jours, sans devoir déposer d’accusations.
Principales corrections que le gouvernement Trudeau compte apporter à la loi antiterroriste (vœux pieux ou réels engagements?) :
- Resserrer la définition de « propagande terroriste »
- Protéger le droit de manifester
- Mettre à jour les procédures d’exclusion des vols aériens
- S’assurer que les droits et libertés garantis par la Charte soient une priorité en matière d’opération de renseignement
[1] dont fait partie Pierre Jasmin des Artistes pour la Paix, groupe où oeuvrait la grande militante Maryvonne Kendergian née pendant le génocide arménien en Turquie. Elle fut présidente du jury de l’Ordre du Québec !
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