L’idéologie néo-libérale envahissant nos médias contrôlés a produit un discours formaté prédisant UNANIMEMENT une victoire de Clinton, en écartant de ses scénarios, comme l’Angleterre l’avait fait lors du Brexit, la colère des petits exploitants face aux traités de libre-échange, la misère des pauvres chômeurs tellement non-télévisuelle, l’amertume des petits paysans et des vétérans de guerres, le désespoir des Noirs face à la violence de la police et la colère des femmes agressées dans les universités d’enfants mâles riches et gâtés.
Face au complexe militaro-industriel entraînant l’Occident à démolir l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie et la Libye et laissant l’OTAN menacer la Russie de ses bombes nucléaires stationnées en Turquie, l’apprenti-sorcier a réagi, ô surprise, en déconstruisant la propagande des médias, par exemple sur la Russie, vue par lui comme une alliée face à l’État Islamique ou dans ses dénonciations des guerres absurdes encouragées par l’OTAN, institution qu’il a dénoncée.
Hélas, ce ne fut qu’un seul bon aspect de ce « loose cannon ». Comme l’écrivait prophétiquement Chris Hedges le 30 octobre [1], cette élection est surtout le résultat d’une culture de masse encourageant l’ignorance de la guerre vue comme un spectacle lointain, malgré ses drones assassins et les dizaines de millions de réfugiés qu’elle provoque. On préfère diffuser en «clichés et en stéréotypes aisément digestibles » des avalanches d’images de richesses, tels l’avion et les tours Trump. Nos ondes sont inondées de publicités de séduction matérialiste et de nouvelles exploitant scandales et potins sexuels : oubliés, les échanges sur des enjeux politiques et sociaux. Le vol des bijoux Kardashian devient une nouvelle culturelle, au même titre que les artistes narcissiques dopés aux selfies exprimant des émotions primaires lors de jeux débiles en se moquant des « intellectuels » trop sérieux qui veulent discuter de réels enjeux politiques.
Les shows de téléréalité ont produit un président “téléréel”. Hier soir, nos élites politiques et journalistiques radio-canadiennes et universitaires se déclaraient «estomaquées » par l’élection du « méchant Trump » face à leur candidate chérie, dont wikileaks avait pourtant démontré les scandales de manipulations sordides contre Bernie Sanders et d’une Fondation Clinton empoisonnée par les dons de l’Arabie Saoudite. Hillary jouissait en outre de l’appui des élites financières de Wall Street ayant ruiné des dizaines et des dizaines de millions de victimes en 2008 et continuant de profiter d’échappatoires fiscales en engloutissant des centaines de milliards de dollars en paradis fiscaux, pendant que routes, ponts et écoles publiques tombent en ruines.
Quant aux groupes environnementalistes qui tentent d’empêcher la construction d’un pipeline au North Dakota, la télévision les dépeint comme des enragés alliés à des autochtones arriérés ennemis du progrès, que la police fait bien de mettre en prison ! Même au Canada de Trudeau ayant voté du côté des États-Unis et de l’OTAN (38 votes) CONTRE l’opposition aux bombes nucléaires de 123 pays, LES MÉDIAS CACHENT l’indignation des groupes pacifistes, du Secrétaire Général de l’ONU et du pape et préfèrent « jouer » de l’image facile et effrayante de l’apprenti-sorcier prêt à appuyer sur le bouton déclenchant l’arme nucléaire.
Sachant que Trump va compter sur un Congrès, un Sénat et une Cour Suprême majoritairement républicains, nous faisons face à quatre années d’une démolition en règle des pauvres acquis démocrates : l’imparfait Obamacare permettant à des millions d’Américains d’éviter la rue en cas de maladie, les lois restrictives de ventes d’armes à feu, la possibilité d’avortements, l’accueil aux LGBT, la construction de logements sociaux, la défense sociale des plus pauvres, autrement que par des associations charitables à la merci de l’aumône des riches. Un tel champ de ruines prévisible risque d’entretenir l’illusion des médias pour qui la vie politique n’est qu’un présent nourri par des journalistes vedettes, des moralistes de la droite chrétienne, des gourous de la nutrition magique ou des pseudos-psychologues prônant une individualité exemplaire, ignorants de l’HISTOIRE qui a certes fabriqué ce présent mais qui seule, peut réussir à inspirer une vision d’avenir signifiante.
Mais l’espoir est tenace : dans quatre ans, verrons-nous le plafond de verre qui a contribué à la défaite d’une Hillary qui n’avait pas que des défauts, cette fois fracassé par une Michelle Obama armée d’un programme démocratique… à la Bernie Sanders ? Travaillons-y. (Pierre Jasmin)
[1] http://www.truthdig.com/report/item/american_irrationalism_201610305/
Reçu de France (Jacques Nikonoff) :
Il y a quelque chose de jouissif dans la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine. C’est la panique qu’elle provoque chez les élites, la caste, les importants et les suffisants. Les journalistes vedettes des grands médias, chiens de garde du système, les économistes à gage qui récitent le bréviaire néolibéral, les politiciens mondialistes de gauche et de droite, beaucoup d’intellectuels drapés dans leur posture morale, tous sont tombés de l’armoire. Cela fait plaisir à voir !
Cela montre simplement que le peuple ne les intéresse pas, qu’ils ne le comprennent pas et ne veulent surtout pas le comprendre. Pour tous ces gens bien, le monde se divise désormais entre ceux qui sont instruits, et qui ne peuvent qu’être favorables à la mondialisation, à l’évolution des mœurs, au multiculturalisme…, et les incultes qui restent congelés dans leurs identités frustres, leurs routines, leur horizon borné.
Tous ces perroquets et perruches qui squattent les antennes de radio et télé matin midi et soir n’ont qu’un mot à la bouche : « populisme ». Un mot qu’ils ne définissent jamais et qui leur sert à masquer leur inculture sociale, historique et politique, leur paresse intellectuelle, leurs préjugés et leurs idées reçues. À aucun moment ils ne cherchent à comprendre ce qui se passe en profondeur dans la société. Ils ont traité Trump de « fasciste », de nouvel « Hitler », de « bouffon », de « clown »…
Reçu ceci de notre ami Dominique Boisvert :
L’élection de Trump : une chance ?
Je craignais l’élection de Donald Trump comme une calamité. Mais peut-être, après tout, est-ce une chance : celle de ne plus pouvoir se cacher derrière le «business as usual».
Si madame Clinton avait été élue, comme la plupart d’entre nous le souhaitaient, plein de monde, de la grande finance aux diplomaties étrangères, aurait poussé un immense soupir de soulagement: ouf, nous avons évité le pire ! Et nous aurions continué, comme si de rien n’était, avec les mêmes énormes problèmes que nous affrontons si mal depuis des décennies: changements climatiques, guerres au Moyen-Orient, répression sécuritaire au nom de la lutte au terrorisme, repli sur nos frontières face aux migrations croissantes, etc.
L’élection de Trump fait éclater toutes les conventions, les nuances et le «politically correct». En espérant qu’il ne poussera pas le «bouton nucléaire» dans une saute d’humeur et que le processus américain de «check and balance» nous évitera le pire, nous devrons désormais affronter la réalité dans ce qu’elle a de plus «cru»: le désabusement et l’inculture politiques, l’écoeurement face aux élites et aux experts, le racisme ordinaire, la violence larvée, la montée de la droite populiste, la disparition d’un projet politique collectif au profit des intérêts individuels, etc.
Ce n’est pas réjouissant. Mais cela s’avérera peut-être, à terme, salutaire.
L’apprenti-sorcier est de loin le meilleur texte que j’ai lu sur le site des artistes pour la Paix. Félicitations pour cette sortie extrêmement lucide qui, je l’espère, sera diffusée dans l’Aut’ journal. Je me dis même que vous pourriez le soumettre au Devoir comme texte d’opinion.
Je suis d’accord avec le constat que vous faites tous les trois: les médias, les experts, les élites sont complètement décrochés de la souffrance et de la colère des gens ordinaires. Ça, au moins, ça rend cette élection « éducative »: une leçon de démocratie 101 …
Pascale Camirand
P. S. 80 millions de personnes ne sont pas allées voter… 80 millions vous vous rendez compte… ça représente plusieurs pays mis ensemble…
Merci à Alexa Conradi qui complète très bien ces opinions (revue LIBERTÉ)
Élection de Trump: une révolte de classe?
Nombreux et nombreuses sont les progressistes et les libéraux qui trouvent brutale l’élection de Donald Trump et des républicains aux États-Unis (ÉU). Concrètement, la vie va devenir plus difficile pour de nombreuses communautés ciblées par le racisme et le sexisme libérés des derniers mois. Et les États-Unis ne sont pas seuls. Les cas de racisme ont également augmenté à la suite du vote au Royaume-Uni (RU) pour quitter l’Union européenne (UE). 2017 s’annonce comme une année difficile, car il y aura également des élections en France et en Allemagne où se jouent des thèmes similaires.
Pourquoi cette tendance à soutenir des idées racistes et sexistes? Sommes-nous devant un rejet de l’establishment par la classe ouvrière? Est-ce la revanche des hommes blancs ayant perdu au change avec la mondialisation de l’économie? Qui sont les acteurs sociaux qui expriment leur mécontentement? Il y a lieu d’examiner motivations et caractéristiques des votes qui se sont exprimés aux États-Unis comme en Grande-Bretagne pour en tirer des conclusions et pour voir les tendances émerger. C’est ce que je compte faire dans ce texte.
Immigration, diversité culturelle et raciale
Aux ÉU comme au RU, il y a des différences notables entre le vote des blancs et celui des personnes racisées. 58% des personnes blanches aux États-Unis ont voté pour Donald Trump, et 53 % des personnes blanches ont voté pour quitter l’Union européenne. Au RU, 67% des personnes s’identifiant comme asiatique et 73% des personnes noires ont voté pour rester au sein de l’UE. Aux ÉU, 88% des personnes noires, 65% des personnes latinas/hispanophones et asiatiques ont voté pour Hillary Clinton. On peut affirmer que les Brexiters comme Donald Trump ont gagné la majorité des cœurs des personnes blanches et ont rebuté la vaste majorité des personnes racisées.
Par ailleurs, les positions sur les questions d’immigration et de diversité culturelle et raciale sont révélatrices d’une tendance. 81% des personnes qui ont voté pour le Brexit considèrent que le multiculturalisme est une force du mal, tandis que 71% des personnes qui ont voté contre Brexit considèrent que le multiculturalisme est une force du bien. Le multiculturalisme, dans un contexte britannique, réfère au pluralisme culturel et racial du pays et non à une politique gouvernementale comme c’est le cas au Canada.
Aux ÉU, 64% des personnes immigrantes ont voté pour Hillary Clinton. Pour 64% des personnes ayant voté pour Donald Trump, l’immigration est un thème majeur. On peut imaginer dans quel sens avec ses commentaires négatifs et continus sur les Mexicains, les musulmans, etc. Parmi les sympathisants de Trump, 84% des personnes pensent qu’il faut déporter les immigrants illégaux vers leur pays d’origine. Des personnes qui pensent que le gouvernement doit bâtir un mur à la frontière entre les ÉU et le Mexique, 86% soutiennent Trump.
Genre, sexualité et féminisme
Le vote au RU ne fait pas apparaître d’importantes différences entre les femmes et les hommes, 52% des femmes et des hommes ayant voté pour quitter l’Union européenne. Aux États-Unis, 54% des femmes expriment une préférence pour Clinton tandis que 42% des femmes préfèrent Trump. En revanche, la majorité des femmes blanches, soit 53%, ont appuyé Trump. 41% des hommes ont choisi Clinton tandis que 53% d’entre eux préfèrent Trump. Chez le 5% de la population s’identifiant comme LGBT aux États-Unis, 78% ont voté pour Clinton.
Les similarités s’expriment lorsqu’on examine les attitudes sociales à l’égard des femmes et du féminisme. Chez les personnes qui ont voté pour le Brexit, 74% considèrent que le féminisme représente une force du mal. À l’opposé, chez les personnes ayant voté pour rester dans l’UE, 62% pensent que le féminisme représente une force du bien. Chez les sympathisants de Trump, 87% ne sont pas dérangés par le comportement de Trump à l’endroit des femmes. On a également trouvé que plus une personne avait des attitudes sexistes ou antiféministes, plus son appui pour Trump était important.
Classe et éducation
Aux États-Unis, le faible revenu n’est pas un facteur favorisant Trump. Au contraire, les personnes gagnant moins de 50 000$ US par année soutiennent plutôt Clinton (52%) versus Trump (42%). On ne peut pas dire que l’appui majoritaire de Trump est venu des personnes en situation de pauvreté, car les personnes ayant gagné moins de 30 000$ par année ont été encore plus nombreuses à choisir Clinton (53% versus 41%). Et chez les personnes syndiquées, 51% ont voté pour Clinton, contre 43% qui ont voté pour Trump. Mais – et c’est important – 78% des personnes qui considèrent que leur situation familiale est pire qu’avant ont opté pour Trump. Il faut, par ailleurs, considérer le croisement du taux d’éducation et de la dimension raciale pour mieux saisir la dynamique. Chez les personnes blanches n’ayant pas de diplôme universitaire, 67% ont choisi Trump. Mais chez les personnes racisées sans diplôme universitaire, 75% ont plutôt choisi Clinton.
Force est de constater qu’il y a un ressentiment qui s’exprime chez les personnes blanches sans diplôme universitaire. Les comparaisons avec le Royaume-Uni sont plus difficiles à faire ici, car les statistiques rassemblées ne mesurent pas tout à fait les mêmes réalités. Mais on peut tout de même noter que les travailleurs et travailleuses manuels, qualifié-e-s ou non, en emploi ou non, ont été 64% en faveur d’un départ de l’UE. Le vote pour le Brexit chez les personnes peu scolarisées avec, au maximum, un diplôme d’études secondaires était également élevé.
Libre-échange et mondialisation
Là où il y a également lieu d’examiner les informations disponibles, c’est au plan des positions envers la mondialisation de l’économie, voire même du capitalisme. Chez les personnes aux ÉU qui pensent que le libre-échange est mauvais pour l’emploi, 65% ont voté pour Trump. Au RU, chez les personnes ayant voté pour Brexit, 69% considèrent la mondialisation de l’économie comme une force du mal. Et chez les gens aux États-Unis qui considèrent que l’économie va mal, 79% ont opté pour Trump. Même chose chez les personnes sans emploi au RU: une majorité d’entre eux ont voté pour quitter l’UE. Fait intéressant, au RU, la moitié des «Leavers» et des «Remainers» considèrent le capitalisme comme une force du mal.
Pour une gauche antinéolibérale, antiraciste et antisexiste
Il est tentant pour plusieurs de dire qu’il y a une révolte de classe qui s’exprime dans le vote menant à l’élection de Trump à la présidence des ÉU : cette analyse n’est pas complètement fausse, mais elle occulte bien des facteurs. Il est également tentant d’y voir seulement un vote anti-immigration et une sorte de revanche raciale. Comment aussi se fermer les yeux sur le sexisme, voire même l’antiféminisme ambiant? Ne sous-estimons aucun de ces éléments pour la suite des choses.
Il y a un problème réel avec les politiques de libre-échange. Il y a un problème réel avec le racisme chez les populations blanches. Il y a également un problème de sexisme profond chez les hommes, voire même chez une partie de l’électorat féminin. Les Démocrates tout comme le Labour ont historiquement soutenu le libre-échange et les politiques néolibérales (avec plus ou moins de vigueur), tout en poursuivant une approche dite ouverte aux différences. Ce positionnement évite toutefois s’attaquer au racisme ou au sexisme systémique. On célèbre les différences, mais on ne voit pas à la justice sociale pour toutes et tous.
Au-delà du choc, il y a une piste politique qui se dégage : travailler à l’émergence d’une gauche anti-néolibérale, antiraciste et antisexiste. Si la moitié des électeurs en Angleterre sont sceptiques devant le capitalisme et plus encore devant la mondialisation de l’économie, il y a un terrain réel pour la gauche qui est demeurée trop timide sur ces questions depuis trop longtemps. En ce moment, c’est la droite nationaliste qui récupère le vote contre le libre-échange et les politiques néolibérales. Par ailleurs, les organisations qui se disent progressistes ont tout intérêt à s’impliquer plus activement dans des luttes antisexistes et antiracistes – que leurs militant-e-s se considèrent ou non personnellement affecté-e-s. Car si les forces du ressentiment se coalisent à droite plutôt qu’à gauche, ces organisations devront faire face à des reculs majeurs.
Non. La « gauche morale » a fait son temps. La gauche antiraciste, féministe, écologiste a fait le plein de sa base sociale, de Porto-Alegre au Plateau Mont-Royal, et n’ira pas plus loin. Les petits bourgeois scolaires qui « créent » n’ont aucune chance de rallier à leurs bonnes causes les producteurs qui travaillent, qui dépensent leur vie à faire vivre.
Cette gauche hors-sol veut le bien d’un peuple qu’elle méprise culturellement et exploite économiquement, mais sans le vouloir tant est grande son innocente ignorance, accumulée à force d’études prétentieuses et de consommation culturelle narcissique.
Vous faites autant partie du problème que de la solution.
(En passant, puisqu’il vous semble que le plafond de verre se contourne par les bobettes d’un président, je préfèrerai Monica Lewinsky à Michelle Obama.)
Votre commentaire sur Michelle Obama trahit un sexisme dégoûtant de votre part. Avant d’être la femme du président, elle était une avocate engagée dans l’amélioration sociale de Chicago. Votre haine de tout ce qui lutte, du Forum Social Mondial aux « artistes ignorants qui ont fait des études » parle de votre solution qui sera PLUS DE BOMBES TERRORISTES, je suppose? v-p APLP