Présenté au cinéma Impérial le 8 août 2023, Twice colonized, de Lin Alluna, est salué comme lutte anticoloniale par les Artistes pour la Paix, de même que le film de clôture du 17 août, La doctrine de la cinéaste Gwendolen Cates qui dénonce la théorie de la « découverte » des Amériques. Promulguée au XVe siècle par le Vatican, elle bénissait les lois de conquête et de colonisation et conséquemment la suprématie guerrière des États-Unis. Un article dans Le Devoir par Jean-François Lisée dénonce Christophe Colomb pour sa brutalité meurtrière contre les autochtones et même ses propres marins et propose, à l’instar de la rue Atateken, de rebaptiser l’avenue en son nom le boulevard des Ormes.
Sans être un film de grandes qualités cinématographiques, Twice colonized reste un documentaire précurseur exposant la vie d’embûches, surmontées par une détermination hors du commun, transportant Aaju Peter du Groenland colonisé, au royaume du Danemark où elle fera ses premières études, jusqu’à l’Arctique de ses frères et sœurs Inuïts. Ce curriculum vitae spécial lui fait faire le pont des revendications réunies de l’Europe et de l’Amérique à l’UNESCO, en vue d’une meilleure, non, disons d’une première affirmation des peuples circumpolaires à qui les autorités n’avaient JAMAIS accordé la parole. Celle qui a une brève formation d’avocate exprime des doutes constants : battue par son mari dont elle se sépare (le film ne tranche pas, écoutera-t-elle les conseils de ses amies et son propre instinct?), elle perd son fils qui se suicide en sautant du balcon d’un hôtel.
Malgré un montage déroutant avec bien des flashbacks d’un pays à l’autre, le film séduit par ses fiers paysages austères et surtout par la franchise intransigeante et le caractère indomptable de son héroïne qui fume, rit, pleure beaucoup, danse sur ses lits d’hôtels et affirme qu’elle est née pour faire une différence. On voit ce film pour s’en convaincre, pas pour elle, mais pour soi-même, pour nos convictions anticoloniales.
Pierre Jasmin remercie André Dudemaine et Présence autochtone pour leur invitation et pour leur persévérance, récompensée depuis quelques années par l’appui de RTPA (APTN en anglais) le Réseau de Télévisions des Peuples Autochtones et par Québecor, de même que par l’Office National du Film sans lequel nos documentaires canadiens ne seraient pas célébrés dans le monde entier.
Sécurisation culturelle
Le ministre Lafrenière se dit « choqué » par la sortie du Collège des médecins, comme le fut Dr Carmant choqué par la sortie médiatique la semaine dernière de la mairesse de Gatineau. Au lieu de s’indigner des réalités sordides qui leur sont transmises, les ministres de la CAQ devraient faire leurs devoirs. On a tous en mémoire la vibrante sortie de madame Bélisle sur le fait qu’une jeune femme abandonnée par les services sociaux venait d’accoucher sans aide médicale ni infirmière dans un boisé de sa ville.
On connaît moins la sortie du Collège des médecins qui critique fortement la première mouture du projet de loi du ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuits, visant à introduire la sécurisation culturelle en santé. Le ministre a déclaré abruptement ne pas avoir l’intention de revoir sa « position » sur le racisme systémique ni de « corédiger » son texte législatif avec les Premières Nations, comme demandé par l’ordre professionnel lors des consultations parlementaires sur le projet de loi 32. Or, le texte législatif vise à introduire l’approche de sécurisation culturelle dans le réseau de la santé et des services sociaux. Pour le Collège des médecins, comme pour le docteur innu Stanley Vollant (hommage APLP 2020), il faut « nommer l’éléphant dans la pièce » lors des consultations.
Pour le Collège des médecins, « il n’y aura pas de changements » tant et aussi longtemps que le gouvernement ne commencera pas par reconnaître LE RACISME SYSTÉMIQUE dans le réseau de la santé. Le projet de loi n’est pas assez « contraignant », est exempt « d’empreinte des nations autochtones » et est caractérisé par une approche « colonialiste et paternaliste »,
selon le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec, qui a expliqué au ministre que leur mémoire a été coécrit avec les Premières Nations. « On n’a pas consulté ces personnes-là, on a écrit le mémoire avec elles. C’est ça qu’on veut dire par cocréer, coconstruire, coécrire, de le faire ensemble et non pas pour eux ».
L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), qui représente 43 chefs autochtones, juge pour sa part le projet de loi « irrespectueux » et ne participera pas aux consultations (chef Ghislain Picard).
Québec s’est engagé après le décès tragique de Joyce Echaquan, en septembre 2020, à instaurer le concept de sécurisation culturelle dans le réseau de la santé.
Il s’agit aussi d’une recommandation de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, dite la commission Viens dont le juge à la retraite qui a présidé les travaux, Jacques Viens, est entendu aujourd’hui mercredi.
QU’EST-CE QUE LA SÉCURISATION CULTURELLE ?
La sécurisation culturelle désigne des soins qui sont offerts dans le respect de l’identité culturelle du patient, notamment. L’objectif est entre autres d’accroître le sentiment de sécurité des Autochtones envers les services publics de santé.
Merci à Fanny Lévesque pour son article très documenté – LA PRESSE