Le Refuge m’a aidé à me reconstruire, c’est sûr. Il y a 30 ans, j’avais besoin de prendre les choses laides en dedans de moi, pour les transformer en belles choses en dehors. Et c’est ce que fait la belle gang du Refuge avec des jeunes en itinérance : transformer la souffrance de la rue en chaleur humaine.
Qu’a-t-il appris au contact de ces jeunes depuis 30 ans ? La résilience, répond-il sans hésiter une seconde. Ce n’est pas un endroit de misère, le Refuge. Tout le monde essaie de s’en sortir. Dans la rue, tout le monde se pose la même question : pourquoi personne ne m’aime ? Et lorsqu’un intervenant dit à un itinérant qu’il s’intéresse à lui, qu’il est prêt à l’écouter pendant 10 heures s’il le faut, c’est probablement la première fois que ce jeune ressent quelque chose qui ressemble à de l’amour… »
En ce moment de pandémie, la souffrance en santé mentale affecterait 57% des jeunes !
Dan Bigras avait été nommé Artiste pour la Paix 2007, après avoir tour à tour tourné le téléfilm Les guerriers avec Patrick Huard (une œuvre coup de poing anti-militariste de Michel Garneau, réalisée par Micheline Lanctôt) et enregistré sa chanson désespérée Sarajevo (Les powerfreaks). Il avait donc reçu en cadeau une sculpture d’Armand Vaillancourt, deux ans avant de partager la scène du Festival Mondial UNESCO de Drummondville avec Florence K., Nathalie Choquette, Marie-Mai (alors quasi-nouvelle venue), le violoniste Alexandre da Costa et moi ayant coordonné une étude de Chopin sous les rythmes agencés d’un feu d’artifice, d’où ovation ! Complice, donc, de la propension du showman Bigras à carburer, en bon musicien populaire adulé, aux réactions exaltées de son public, je m’attendais comme les autres à une catastrophe pour ce 30e anniversaire du Show du Refuge en l’absence de public et en distanciation à moins 70 degrés, d’autant plus que la première invitée était… une chanteuse « classique ».
C’était bien méconnaître Marie-Nicole Lemieux (voir photo par Denis Rouvre), cette fille du Lac St-Jean à qui j’avais enseigné au Camp Musical de Métabetchouan (m’a-t-elle rappelé), étoile mondiale appréciée autant par l’OSM que par l’Orchestre Métropolitain, d’une chaleur à faire fondre les derniers icebergs en face du Labrador. Même si Dan Bigras lui a confié la redoutable entrée du spectacle, elle en a profité pour voler le show avec sa voix aux registres intégrés de façon stupéfiante et une maîtrise des silences qui est la marque des plus grands musiciens classiques, avec en plus une façon bienveillante de regarder les autres en leur souriant (alors que nous, musiciens classiques, on reste tellement concentrés qu’on en oublie souvent de sourire). Ce dimanche dernier sans public lui a permis une grande complicité avec Lulu Hugues et Lara Fabian, dotée d’une simplicité débarrassée des tics à la Céline Dion des mauvais jours, entre autres avec l’approprié « Je suis malade » de Serge Lama.
La table était mise pour Brigitte Boisjoli, Bruno Pelletier, Dan avec sa dramatique Tu m’tueras et la chaleureuse Mélissa Bédard, et même une incursion sympathique de Maka Kotto dans une chanson de Louis Armstrong, « Red roses, what a wonderful world » pour d’agréables car naturelles touches Black lives matter. Si cette soirée exceptionnelle fut ternie par une surabondance de publicités clinquantes, il n’en tient qu’à nous de surenchérir en donnant davantage de sous à www.refugedesjeunes.org . Bravo aux prestations spéciales dédiées aux jeunes du Refuge par Territoire hostile ( ?), ainsi que par une interprétation surnaturelle de « L’amour existe encore, malgré les bombes qui tombent aux quatre coins du monde » du tandem Plamondon-Cocciante ! On en aura de beaux souvenirs…
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