Quelle disproportion entre le vote sur les bombes nucléaires à l’ONU ignoré et le traitement médiatique en premières pages des journaux du décès d’une actrice : encore, si on la respectait! Mais à RDI un collectionneur star wars interviewé longuement se félicitait avec un grand sourire niais de voir ses deux figurines Leia qu’il a brandies à la caméra acquérir une valeur accrue, suite au décès de celle qui personnifia la princesse !
Et que dire de la confusion mentale entre des guerres de cinéma et la menace réelle de vraies guerres ? Pourquoi tant d’importance accordée à un mythe cinématographique, alors que la réalité est censurée ? Celle qu’une poignée des 15 000 bombes atomiques existantes auraient la puissance de pulvériser notre planète, de l’éliminer des étoiles…
Obnubilés par Star Wars, les spectateurs oublient le monde réel de 113 pays votant courageusement à l’ONU pour la suppression de ces armes. Y a-t-il un lien entre cette information que nos médias taisent et les 18 institutions financières canadiennes qui ont accordé près de 26 milliards de $ disponibles dans les derniers quatre ans à des industries américaines fabriquant des bombes nucléaires ? Voilà les nouveaux chiffres de décembre 2016 révélés par l’organisme anglo-hollandais PAX sur www.dontbankonthebomb.com! Poser la question du lien, n’est-ce pas y répondre ?
Voici deux résolutions adoptées le 23 décembre à l’ONU, dont les Artistes pour la Paix ont toujours vanté la pertinence, en dépit de tant de ses adversaires de droite et d’extrême-gauche qui cherchent à la décrédibiliser :
1- Le sujet tabou de la Palestine revient enfin hanter la scène médiatique, grâce à la résolution 2334 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Hélas, il reste couvert comme un duel entre deux coalitions Benjamin Netanyahou-Donald Trump et John Kerry-Barrack Obama, sans qu’on accorde de place à l’opinion des quatorze autres membres du Conseil de Sécurité qui ont voté en faveur de la résolution. Seuls les É-U intéressent les nouvelles, parce qu’ils se sont abstenus sans recourir à un trente-et-unième véto ! Car les vétos américains s’étaient accumulés depuis la résolution 465 de 1980, qui dénonçait déjà l’extension des colonies, jugée illégale. Cette extension a hélas permis l’invasion du territoire palestinien par 430 000 colons israéliens vivant présentement en Cisjordanie occupée, dont près de la moitié à Jérusalem-Est. À suivre !
2- Un vote à l’Assemblée générale des Nations-Unies s’est tenu si tard que des représentants de plusieurs pays avaient déjà quitté New York avec des vols depuis longtemps cédulés pour leurs vacances de Noël. L’International Coalition for the Abolition of Nuclear Weapons (ICAN.org) estime que le délai faisait partie des nombreuses tactiques d’intimidation des États-Unis qui n’empêchèrent heureusement pas un résultat qui leur fut défavorable À PLUS DES DEUX TIERS des votes exprimés, malgré la complicité forcée de tous les pays de l’OTAN (sauf les Pays-Bas). Résultat :
- 113 pour négocier un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires, en vue de leur élimination complète;
- 35 contre (dont le Canada);
- 13 abstentions, dont les pays nucléaires Chine, Inde et Pakistan représentant à eux seuls la moitié de la population de l’humanité.
Ce vote historique va se traduire par des réunions à venir dans le cadre de l’ONU du 27 au 31 mars et du 15 juin au 7 juillet 2017. Nous avons déjà conseillé au ministre Stéphane Dion de ne pas suivre la volonté de boycotter ces réunions exprimée par les États-Unis, volonté peu susceptible de changer avec l’anti-ONU Donald J. Trump.
Le Canada a hélas voté DU CÔTÉ des pays détenteurs d’armes nucléaires, MALGRÉ :
- nos cinq lettres à MM Trudeau et Dion, la première du 4 décembre 2015 et la dernière du 21 décembre 2016 que vous trouvez ci-dessous
- les pétitions du Groupe 78 (15 décembre) et du Réseau Canadien pour l’Abolition de l’Arme Nucléaire auxquelles nous avons joint nos signatures
- la demande d’adoption d’une Convention internationale contre les armes nucléaires acheminée à M. Trudeau par quatre représentants prestigieux (dont Jean Vanier) de 917 membres de l’Ordre du Canada, traduite par notre président [1].
Nous avons tous échoué à au moins persuader le gouvernement Trudeau de s’abstenir : il a préféré renier l’héritage de son père, qui, lui, avait contribué à faire avancer le traité SALT II entre l’Union soviétique et les USA.
Voici notre dernière lettre adressée à M. Trudeau fils le 21 décembre :
Monsieur le Premier ministre du Canada,
Le 28 novembre dernier, les Artistes pour la Paix (APLP) vous «déclaraient la paix» [2], celle que progressistes, pacifistes et environnementalistes voient hélas mise à rude épreuve.
- À l’international, plutôt que d’opter pour la paix avec 123 autres pays (+ le Secrétaire général sortant de l’ONU, Ban Ki-moon + le pape…), votre Canada a joint 38 pays (Russie et pays membres de l’OTAN) qui font obstruction à l’élimination de l’arme nucléaire [ces chiffres étaient ceux du L.41 en Commission préalable au vote de l’Assemblée générale].
- Vous avez maintenu la vente pour 15 milliards de dollars de véhicules armés à l’Arabie Saoudite; votre Canada a aussi acheté, durant ce dernier mois, pour près de 10 milliards de dollars (que paieront nos impôts) des Superhornets de Boeing dits transitoires ! N’iront-ils pas grossir le nombre de victimes afghanes, syriennes, irakiennes et yéménites (morts et réfugiés) qui se comptent déjà par millions?
- Le racisme systémique mine toujours la situation des Premières Nations, que vous cherchez à améliorer, tout en leur refusant l’autonomie qui protégerait leur eau contre vos projets pétroliers. Après la mise au rancart de Northern Gateway (bravo!), nous exigeons comme le maire Coderre celle d’un autre projet Enbridge, le pipeline TransCanada. Mais Kinder Morgan mine l’engagement écologique de l’Accord de Paris.
La fluctuation de vos récentes décisions nous inquiète tout autant que les chambardements chez notre voisin du Sud. Mais loin de baisser les bras, on se retrousse les manches, avec tous les alliés du Manifeste «Un grand bond vers l’avant » [3], pour remettre en priorité ces « voies ensoleillées pour un avenir harmonieux » que vous nous aviez fait miroiter. On en jase au Québec en français, en anglais et en langues crie, ojibwée et innue !
La balle est maintenant dans votre camp, Monsieur le Premier Ministre, car vous avez le pouvoir d’assurer notre santé et notre sécurité
- en votant à l’ONU contre les armes nucléaires
- en signant le Traité du Commerce des Armes
- en signant la Déclaration universelle sur le racisme et les discriminations (UNESCO),
- en mettant fin aux subventions annuelles de milliards de $ aux entreprises pétrolières et gazières
- et en finançant plutôt les énergies vertes.
Les Artistes pour la Paix
Écrite par le comité exécutif le 13 décembre à partir d’un projet de lettre par Jacques Dupont que nous remercions, notre lettre envoyée à MM Trudeau et Dion le 21 décembre a été rendue publique le 23 (quelle coïncidence!) sur http://lautjournal.info/20161219/lettre-au-premier-ministre-trudeau
Les Artistes pour la Paix profitent de cet article pour vous souhaiter une bonne année 2017 et vous remercier de vos contributions
[1] Cher Premier ministre Trudeau,
Nous vous écrivons au nom des 917 Récipiendaires de l’Ordre du Canada qui ont entériné les négociations pour une convention sur les armes nucléaires proposée par le Secrétaire général des Nations Unies. Nous vous demandons de réexaminer la position actuelle du Canada sur les négociations sur le désarmement nucléaire à l’étude aujourd’hui à l’ONU.
Comme vous le savez, un groupe de travail à composition non limitée sur le désarmement nucléaire qui s’est réuni à Genève l’année dernière a présenté à l’Assemblée générale une recommandation tendant à convoquer des négociations en 2017 sur « un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires ». Cette recommandation, maintenant reflétée dans la résolution L.41 de l’ONU présentée en Première Commission par l’Autriche et 56 autres États, propose en outre que les négociations se déroulent dans un forum ouvert à tous les États membres de l’ONU sous les auspices et le règlement intérieur de l’Assemblée générale.
Comme des millions de personnes dans le monde, nous avons été ravis que 123 pays aient voté en faveur de cette résolution historique en Première Commission. Nous étions profondément déçus, cependant, que le Canada fût parmi les 38 pays qui ont voté NON.
Monsieur le Premier ministre, nous vous prions respectueusement de bien vouloir examiner la position du Canada et de voter OUI à cette résolution lorsqu’elle sera présentée à l’Assemblée générale en décembre.
Si cela se passe comme prévu, nous vous demandons également d’autoriser et d’instruire les diplomates canadiens à engager ces négociations de bonne foi en vue de la conclusion d’une convention générale sur les armes nucléaires. Nous savons bien que les alliés de l’OTAN dotés d’armes nucléaires – les États-Unis, le Royaume-Uni et la France – peuvent boycotter le processus et encourager leurs alliés à faire de même. Nous vous exhortons à résister à toutes ces pressions et à les encourager plutôt à s’engager avec la majorité des États du monde qui cherchent une action inclusive et pragmatique sur cette question existentielle importante.
Nous rappelons la motion adoptée à l’unanimité par les députés et les sénateurs canadiens en 2010 qui «encourage le gouvernement du Canada à engager des négociations en vue de la mise sur pied d’une convention sur les armes nucléaires proposée par le secrétaire général des Nations Unies et à déployer un important réseau diplomatique canadien en vue de cette initiative visant à prévenir la prolifération nucléaire et à augmenter le taux de désarmement nucléaire ».
Pendant ce temps, les États armés nucléaires modernisent leurs arsenaux nucléaires et leurs systèmes de livraison, le Japon et la Corée du Sud insinuent maintenant qu’ils pourraient acquérir des armes nucléaires et les organisations terroristes cherchent ouvertement et activement des capacités nucléaires. L’ancien président soviétique et prix Nobel, Mikhail Gorbatchev, a récemment noté la menace accrue du terrorisme nucléaire sans compter que les tensions entre les États-Unis et la Russie ont atteint un niveau dangereux.
Comme tant d’autres, il a demandé à la communauté internationale d’appuyer d’urgence l’élimination complète des armes nucléaires.
Monsieur le Premier ministre, le statu quo est insoutenable. S’il vous plaît, n’attendez pas qu’il y ait une catastrophe nucléaire quelque part dans le monde pour prendre des mesures pragmatiques et concrètes sur ce front. Veuillez appuyer la résolution L.41 et faire du Canada un participant actif à un traité visant à interdire les armes nucléaires une fois pour toutes.
Cordialement, John Polanyi, CC; Douglas Roche, OC; Murray Thomson, OC; Jean Vanier, CC
Comme toutes nos lettres APLP sur le sujet, cette lettre n’a été publiée par AUCUN journal, une honte pour nos médias
[2] http://www.artistespourlapaix.org/?p=12178
[3] http://www.artistespourlapaix.org/?p=7056
Message reçu de la part d’Erin Hunt (coordonnatrice à Mines Action Canada), partisane d’ICANW.org et habituée de New York (ONU) :
Pour clarifier le vote du 23 décembre à l’ONU, aux 113 états qui ont voté oui, on pourrait ajouter sans risques d’erreurs les 21 états qui avaient voté oui au premier comité (voir http://www.artistespourlapaix.org/?p=12032 ) mais n’ont pu être présents le soir du 23 pour les raisons invoquées dans cet article :
Bélize, Burundi, Cameroun, Corée du Nord, Gambie, Grenade, Guinée, Guinée-Bissau, Îles Salomon, Malawi, Nauru, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, République Dominicaine, Rwanda, Samoa, Somalie, Swaziland, Turkménistan, Tuvalu et Zambie.
Le vote serait donc plus proche de 134 POUR, 35 contre et 13 abstentions!