La conférence du Cœur des sciences nous amenait ailleurs par la fraîcheur d’un discours qui sans s’interdire les accents lyriques s’appuyait sur la science, à laquelle il faut toujours revenir; ne serait-ce que pour échapper aux sentiments agressifs risquant de faire croire aux jeunes que la COP-26 ONU est l’ennemie à abattre, alors que ce sont les gouvernements qui reculent avec inconscience face aux exigences du GIEC et de la COP-26.
Jeudi 4 novembre 2021 18h
Travailler ensemble pour lutter contre les changements climatiques est l’un des quatre objectifs de la COP26. Comment y parvenir ? Face aux enjeux environnementaux actuels, comment favoriser l’engagement des individus et des collectivités ? Et si cela passait par une meilleure conscience de notre appartenance à la nature ? Dans cet apprentissage d’une écocitoyenneté plus que jamais nécessaire, quel rôle jouent l’éducation, formelle ou non formelle, et les mouvements de mobilisation citoyenne ?
Avec la participation de :
- Lucie Sauvé, professeure émérite au Département de didactique de l’UQAM, membre chercheuse émérite du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté – Centr’ERE. Durant plus de 20 ans, Lucie Sauvé a dirigé des projets de collaboration interuniversitaires et d’action écosociale en Amérique latine.
- Laurence Brière, professeure en éducation relative à l’environnement au Département de didactique de l’UQAM et chercheuse au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté – Centr’ERE. Elle s’intéresse tout particulièrement aux dynamiques d’apprentissage collectif dans les débats publics sur des enjeux socio-écologiques.
Selon Lucie Sauvé qui confirme mes impressions de nombreux contacts privilégiés avec le professeur Dansereau et son épouse artiste, l’écopédagogue et écocitoyen [1] nous invitait à apprendre par l’immersion : mouillez-vous les pieds, ayez froid, ayez faim ! Le COVID-19 nous a rappelé, a-t-elle poursuivi, combien nous sommes inextricablement liés à l’air et à l’eau ainsi qu’hélas, à un virus vraisemblablement échappé d’un espace trop déboisé à l’autre bout de la planète. Le bien vivre ensemble n’est pas un simple écocivisme; nos petits gestes (recycler, ne pas gaspiller, manger moins de viandes etc.) doivent se cimenter dans une dimension politique d’écocitoyenneté. Les jeunes l’ont comprise en manifestant encore les 24 septembre et 6 novembre derniers, en poussant la réflexion de Hannah Arendt d’aller au-delà du repli sur l’intimité pour penser aux autres :
- en questionnant chacun de nos achats : le jean convoité fabriqué de coton indien qui a nécessité des quantités astronomiques d’eau et de produits toxiques Monsanto n’est-il pas un facteur aggravant de la vague de suicides des fermiers en Inde ?
- les minières extractivistes de Toronto financées par la Royal Bank, sont-elles responsables des dégâts en Amérique centrale, au Pérou, en Bolivie et en Afrique?
- alors que les pétrolières comme SUNCOR n’ont pas changé leurs prévisions pour 2030 de 110% de bénéfices accrus, responsables de réchauffer indûment la planète.
Jeunes et moins jeunes s’étaient levéEs en envahissant Cacouna à l’automne 2014 pour refuser qu’un port pétrolier s’installe devant une pouponnière de bélugas.
Car dans la réciprocité se joue l’avenir du monde (Bruno Latour).
L’ENGAGEMENT est à la fois un acte identitaire, une mise en projet dans un territoire = terrain de vie, un espace de liberté à reconnaître, à saisir et à affirmer, car le chemin est rarement tracé d’avance, qu’il soit communautaire ou scientifique (l’agronome Louis Robert s’objectant aux pesticides). Cette voie se balise grâce à des infos (sur les sommes astronomiques militaires et nucléaires dénoncées par les APLP et les Innus enracinés au Nitassinan protestant contre les vols à basse altitude de l’OTAN). Et elle s’agrandit par des actions d’abord perçues comme marginales, issues de projets de démocratie participative (résister, c’est créer !, insiste Lucie) qui deviennent de sérieuses solutions de rechange à l’extractivisme et au capitalisme. Et alors, quelles victoires ! telle la renonciation du Québec à l’exploration et exploitation pétrolière ou gazière ou uranifère grâce au BAPE et grâce aux Mouvement Sortir le Québec du Nucléaire ou Québec Meilleure Mine.
Apprendre en s’engageant aurait pu être le titre de cette conférence éblouissante par la complicité des deux conférencières intervenant non pas à la suite l’une de l’autre mais en interagissant dans un ballet bien orchestré et totalement complice. Elles nous engagent à apprendre à leur suite à coopérer avec le sourire (Spinoza) et à vaincre l’éco-anxiété analysée à répétition par nos médias, en nous retournant plutôt contre l’éco-irresponsabilité des affaires. Il faut travailler de concert, comme le propose le projet de Stratégie québécoise d’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté que le Centr’ERE a produit et lancé en 2019, après huit ans de multiples collaborations.
Apathique et résignée, la société québécoise ? Non, elle n’a jamais été aussi allumée et lucide, « animée par une pensée critique articulée qui signe la fin de l’hégémonie culturelle néolibérale et clame son exigence de changements concrets », selon la formule citée de la journaliste française spécialiste de l’Inde, Bénédicte Manier.
Car en conclusion, on ne rejoindra les gens ni par la morosité ni par la moralisation, mais par des fêtes participatives qui feront tomber en éducation les évaluations trop basées sur le critère de réussite/échec et les barrières disciplinaires qui nous empêchent de communiquer. Notre zoom de ce soir était écouté en Californie, en France et partout au pays !
[1] BRUNET, Normand, FREIRE VIEIRA, Paulo, SAINT-ARNAUD, Marie et AUDET, René (dir.) (2017) L’espoir malgré tout. L’oeuvre de Pierre Dansereau et l’avenir des sciences de l’environnement. Québec. Presses de l’Université du Québec, 272 p.
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