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Au centre des personnes qui applaudissent le traité, on trouve en rose Setsuko Thurlow, hibakusha survivante d’Hiroshima et militante canadienne de Toronto qui a fait des discours partout sur la planète pour mousser, comme les Artistes pour la Paix l’ont voulu, l’adoption du traité. On écoutera sa réaction émotionnelle au résultat du vote sur: 

https://www.facebook.com/icanw.org/videos/1911146518902258/ 

Vendredi 7 juillet, les Nations Unies ont approuvé un Traité d’interdiction des armes nucléaires. La Présidente de la Conférence des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires, Elayne Whyte Gómez, du Costa Rica, a déclaré : « C’est un moment historique, c’est le premier traité multilatéral de désarmement nucléaire à être conclu en plus de 20 ans ».

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Elayne Whyte Gomez, ambassadrice du Costa Rica et présidente de la Conférence de négociation, réagit à l’annonce des résultats du vote. Photo Mary Altaffer/AP

Le traité couvre tout l’éventail des activités liées aux armes nucléaires, interdisant à tout État partie de s’engager dans le développement, le test, la production, la fabrication, l’acquisition, la possession ou le stockage d’armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs. Les interdictions s’appliquent également à tout engagement à utiliser ou à menacer d’utiliser des armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs.

C’est une grande victoire pour les peuples du monde entier. Après les armes chimiques et les armes bactériologiques, ce sont maintenant les armes nucléaires qui seront interdites en tant qu’armes de destruction massive, sur la base d’un Traité d’interdiction. L’humanité dispose désormais d’un instrument juridique contraignant pour interdire les armes nucléaires en déclarant, sans ambiguïté, que les armes nucléaires ne sont pas seulement immorales, mais aussi illégales.

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NEW YORK (ONU) – Des survivants (hibakusha) des attaques nucléaires américaines sur Hiroshima et Nagasaki ont présenté vendredi le 16 juin, une pétition d’appui de près de trois millions de signatures aux négociations en vue de bannir les armes nucléaires. Sur la photo, Toshiyuki Mimaki, 75, et Masako Wada, 73 ans, qui ont survécu la première à l’holocauste d’Hiroshima (6 août 1945) et le deuxième à Nagasaki trois jours plus tard, entourent l’ambassadrice du Costa-Rica, Elayne Whyte Gomez.

Tant d’années et tant de travail acharné de générations de militants contre les armes nucléaires sont couronnés par un succès, aussi relatif soit-il. Ces luttes conduites depuis 1950, ont mobilisé des dizaines de millions de personnes à travers des rassemblements multiformes, mais aussi des appels pressants, souvent initiés par les survivants d’Hiroshima et de Nagasaki (les Hibakushas [1]). Ainsi avons-nous obtenu successivement l’arrêt des essais nucléaires dans l’atmosphère, sous la mer, puis des Zones exemptes d’armes nucléaires sur les ¾ de la surface du Globe et un traité d’interdiction définitif des essais nucléaires (seule dans les dernières vingt années, la Corée du Nord ne le respecte pas, sous la réprobation du monde entier).

Aujourd’hui c’est un traité d’interdiction des armes nucléaires, élaboré dans le cadre de l’ONU par 122 États qui marque une rupture historique au sein des relations internationales en offrant l’opportunité de raviver l’esprit de la Charte des Nations Unies pour construire un processus pacifique de sécurité collective.

Mais le travail ne fait que commencer, car rappelons que l’article 6 du TRAITÉ DE NON-PROLIFÉRATION signé il y a exactement cinquante ans (1er juillet 1968), n’est pas vraiment respecté par les cinq membres du Conseil de Sécurité de l’ONU (États-Unis et Russie, qui possèderaient 93% des armes nucléaires mondiales, Grande-Bretagne, France et Chine). Trois de ces pays ont tout fait pour faire dérailler la détermination des 122 pays, avec des instructions strictes de l’OTAN pour forcer ses pays membres à boycotter les négociations ayant conduit au traité.

Merci au Mouvement de la Paix (France) pour la majeure partie du texte précédent.

Qu’en est-il du Canada de Trudeau ?

Une section écrite par Pierre Jasmin, vice-président des Artistes pour la Paix, membre de l’exécutif de Pugwash Canada, qui siège sur le comité de direction du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire et vient d’être nommé co-président d’honneur du Mouvement Québécois pour la Paix.

Le Canada a boycotté ces négociations alors que la Hollande (qui a voté contre, en obéissance servile à l’OTAN) a au moins pris la peine d’écouter les arguments présentés. Quelle honte pour les Canadiens que son gouvernement, dit libéral, ait refusé parfois même d’entendre les arguments d’une vingtaine de groupes pourtant les mieux informés (qui m’ont fait l’honneur de partager leurs contributions que j’ai essayé de transmettre au meilleur de mes capacités à tous les Artistes pour la Paix) :

● les 7200 Maires pour la Paix, avec les maires Gaëtan Ruest (Amqui), Denis Coderre (Montréal), Vickie May Hamm (Magog) etc. : le groupe fut créé par Dr. Tadatoshi Akiba, ex-maire de Hiroshima;

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Dr Tadatoshi Akiba, fondateur des Maires pour la Paix et Pierre Jasmin à Pugwash, Nouvelle-Écosse, en juillet 2007, lors d’une rencontre de trois cents savants internationaux. Photo Adele Buckley

les Conférences Pugwash sur la Science et les Affaires Mondiales auxquelles s’est joint en 2007 le général Dallaire pour contrer les bombes nucléaires. Leurs représentants internationaux Dhanapala et Ramusino venant de l’Inde et de l’Italie, deux pays qui ont pourtant boycotté les négociations, viennent de réagir : « Le Traité est une réjection catégorique des armes nucléaires et assurera une base solide en vue d’un progrès du désarmement nucléaire pour la sécurité de toutes les nations et des citoyens du monde entier. Pugwash espère que TOUS LES ÉTATS SIGNERONT ET RATIFIERONT cet instrument aussitôt que possible pour réaliser l’aspiration de l’humanité à vivre dans un monde libre de toutes les armes de destruction massive.” Cette déclaration porte la marque de ces deux géants que j’ai eu l’honneur de fréquenter à Berlin en 2011 lors d’un congrès international marqué par de fortes discussions entre Israël et l’Iran où j’avais improvisé dans la mesure de ma naïveté une médiation qui a permis des échanges plus modérés. Remercions les écrits toujours pertinents de l’universitaire Paul Meyer, vice-président Pugwash Canada et porte-parole de la Fondation Simons, en saluant bien bas Jennifer Simons, cette grande dame de Colombie-Britannique;

un millier de membres de l’Ordre du Canada qui ont appelé à une Convention nucléaire : 110 d’entre eux, dont Murray Thomson, membre émérite de Pugwash Canada, avaient encore incité le mois dernier avec une lettre vigoureuse le premier ministre Trudeau de lever son inexplicable boycott des négociations, hélas en vain;

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Murray Thomson reçoit en récompense de ses efforts une gravure de Frédéric Back par les mains de Jenna-Dawn McLellan, devant Pierre Jasmin et le chancelier de l’UQAM, Pierre J. Jeanniot, le 3 mai 2010 (date de l’ouverture d’une session infructueuse du TNP à New York) à la Salle Pierre-Mercure de l’UQAM. Photo Robert Dupuy

le Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire, animé avec constance par l’avocate Bev Delong que les Artistes pour la Paix appuient chaque année à Ottawa en diverses actions d’informations ou de lobbying auprès des députés fédéraux et des fonctionnaires du gouvernement; le 10 avril dernier, j’ai prié en vain ces derniers de cesser de nier ou de caricaturer la réalité du danger nucléaire et d’inciter plutôt la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland à réviser sa stérile opposition au traité;

● l’association internationale des Parlementaires pour le désarmement et la non-prolifération nucléaire (http://www.pnnd.org) (Global Zero UN) : merci à mes amis Alyn Ware et Jean-Marie Collin qui sont souvent venus à Ottawa rencontrer le mouvement antinucléaire, malgré notre incapacité à convaincre Harper et Trudeau; ils ont en plus tant travaillé au regroupement de centaines de parlementaires mondiaux, à l’Union Inter-Parlementaire (UPI);

● le sénateur Douglas Roche, co-fondateur de la Middle Powers’ Initiative (avec Jimmy Carter), qui a écrit les ouvrages les plus informés sur le sujet, n’a jamais cessé de dialoguer avec nous tous et réussi à percer parfois le mur du silence médiatique à Edmonton;

Cesar Jaramillo, jeune directeur de Project Ploughshares, avec qui j’ai échangé tant d’idées, sans doute celui avec lequel l’entente fut et demeure la plus complète;

● la spécialiste de l’OTAN Erika Simpson, toujours prodigue de points de vue fort bien rédigés, que j’apprécie pour son franc parler, malgré plusieurs divergences de vues;

● Dr Phyllis Creighton, grande pacifiste, qui préside chaque été la cérémonie commémorative d’Hiroshima à Toronto où elle m’a reçu en août 2015 en totale complicité;

ICANW.org : merci à Béatrice Fihn et à la Canadienne Ray Acheson (Reaching Critical Will, Women’s International League for Peace and Freedom) qui ont mené la lutte du traité dès le début et offert régulièrement des compte-rendus passionnants de leur travail à New York à l’ONU (merci au papa Bob Acheson, homme d’affaires de Toronto, qui a écrit tant de lettres aux députés et avec qui je me suis ligué pour parfois inviter la CNANW à plus d’audace);

Erin Hunt, qui en dépit de son travail exigeant pour Mines Action Canada, a constamment encouragé nos efforts avec un inlassable optimisme, en établissant un parallèle pour le traité avec le Traité d’Ottawa sur les Mines anti-personnel d’abord accueilli avec scepticisme, pour progressivement gagner de nouveaux adhérents et sauver la vie de milliers d’enfants et de paysans (les premières victimes des mines);

Susi Snyder (PAX & dontbankonthebomb.com) dont nous avons souvent relayé les rapports concernant le Canada faisant état de milliards de $ par nos compagnies d’assurance (Sun Life Financial), par nos banques (SCOTIA, …) et par POWER Corporation consacrés à la fabrication de bombes nucléaires américaines, sans doute la clé qui explique la trahison libérale du bien commun;

le Forum Social Mondial où nous avons l’été dernier émis une déclaration travaillée ensemble avec notamment le Brésilien Chico Whitaker et le Montréalais Gordon Edwards, mine extraordinaire de renseignements scientifiques sur le nucléaire et militant infatigable;

le Mouvement Québécois pour la Paix, gens de grand coeur avec qui les APLP manifestaient au cœur de Montréal le 17 juin dernier [2];

Peggy Mason et Steven Staples de ceasefire.ca et l’Institut Rideau, solidaires;

● 3711 savants (y compris des prix Nobel) du monde entier dont on peut consulter la déclaration (the Future of Life Institute)  : https://futureoflife.org/nuclear-open-letter/

● la porte-parole des Affaires étrangères du NPD, madame Hélène Laverdière, une alliée indéfectible, et la chef du Parti Vert, Elizabeth May, qui n’ont hélas jamais suivi mes conseils exprimés dès 2007 d’unir leurs forces (comme ces partis le font depuis un mois en Colombie-Britannique) ;

● nos amiEs du Mouvement pour sortir le Québec du Nucléaire;

● enfin, des artistes militants exceptionnels tels Judi Richards, les Raging grannies (avec Marguerite Bilodeau), les Mémés déchaînées (dirigées par Louise-Édith Hébert), Guylaine Maroist, Éric Ruel, Sylva Balassanian, Raoûl Duguay, Izabella Marengo, Derek Paul, Lilya Prim-Chorney, André Jacob, André Cloutier, André Michel, Christian Morin, Camille Pelletier, Odette Bougie, Sébastien Dhavernas et non le moindre, notre président domlebo…

L’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud-Est, avec l’appui unanime des communautés autochtones du monde entier, se dressent pour faire la leçon aux arrogants Blancs qui se croient civilisés mais oublient leur humanité

C’est à nous tous de faire en sorte maintenant que ce traité suscite des débats dans tout l’espace public et obtienne un retentissement mondial digne de son interdiction des soutiens techniques, financiers, logistiques participant à l’existence des armes nucléaires et de son affirmation sans ambigüité, que par leur seule présence, les armes atomiques constituent un risque majeur de catastrophe humanitaire.

Le traité ouvre la porte à un monde où une majorité morale d’États a décidé de réprouver l’ordre établi nucléaire délinquant, avec ses milliards de $ investis par la maintenant CRIMINELLE industrie des armes nucléaires (puisque 122 pays la qualifient à juste titre ainsi) : l’ONU a rassemblé une majorité de pays contre cette turpitude ! L’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud-Est, avec l’appui unanime des communautés autochtones du monde entier, se dressent pour faire la leçon aux arrogants Blancs qui se croient civilisés mais oublient leur humanité ! À nous de le rappeler sans cesse aux dirigeants occidentaux dégénérés qui auront néanmoins la chance de se reprendre quand le traité sera soumis à l’Assemblée générale de l’ONU le 20 septembre prochain: à nos plumes et à nos tweets pour les en inciter !! Prochaines manifs : le 5 août en mémoire d’Hiroshima à Montréal et le 23 septembre, une manif mondiale !


[1] Voir le film Plus jamais d’Hiroshima (ONF, prix Génie du court documentaire 1983) de Martin Duckworth, lui-même APLP de l’année 2002 et Prix du Québec 2015

[2] voir http://www.artistespourlapaix.org/?p=13550