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Nos revues occidentales glamour se ruent sur la dénonciation du Qatar et de sa Coupe immonde (dixit l’OBS, ex-revue de gauche incapable de reproduire un seul discours du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres contre la guerre ukrainienne ou pour la COP27 libérée de la suprématie du pétrole). Sans vouloir défendre un régime autoritaire inégalitaire qui prive de droits les trois quarts de sa population importés de pays pauvres afin de SERVIR ses riches de souche, il faut examiner les vraies raisons de cette unanimité anti-Doha de la part de nos ultra-riches propriétaires de médias, qui privent 99 pour cent de nos populations d’exprimer leur opposition aux dépenses de dizaines de milliards de $ pour la guerre et l’OTAN, au détriment des besoins essentiels et de la protection de l’eau, même pas garantie à nos Premières Nations (le Xinjiang a plus de chance).

1Le premier objectif de la campagne anti-Qatar est probablement de canaliser les revendications d’Amnistie internationale et autres défenseurs des droits de l’homme, non pas pour réclamer des négociations pour stopper une guerre aux milliers de victimes, mais pour des objectifs qui n’ont aucune chance de se réaliser : un changement de régime à Doha ne se fera que par une opération militaire conjointe de l’Arabie saoudite et des États-Unis (peut-être souhaitée); Radio-Canada a beau inonder ses ondes de reportages sur les protestations anti-confinement chinoises et sur les attaques sinophobes de l’ex-ambassadeur St-Jacques et de la ministre des Affaires étrangères, cela n’aura pour effet que de redorer le blason de Trump, sans rien changer à la politique du parti communiste chinois, agacé par la pseudo-guerre de libération de Taïwan et du Xinjiang entreprise par Trudeau.

2Publier, comme le font les grands médias et même les petits comme Le Devoir, toutes les protestations contre le Qatar qui a organisé la Coupe du Monde, a pour objectif de brouiller les objectifs prioritaires de paix et les apôtres bernés des droits de l’homme. Autre victoire pour l’extrême-droite, ces derniers seront désormais vus comme des adversaires de la joie populaire face à notre plus grand sport mondial. On célèbre cette année des victoires improbables asiatiques et africaines, grandes nouveautés. Même nos fiers joueurs Noirs ont pu espérer pendant 35 minutes participer à la course d’un trophée collectif par excellence, symbole d’un nouvel ordre mondial équilibré et moins raciste. Le Qatar a même réussi à faire accepter par Israël l’accès à l’aéroport Ben Gurion d’avions prenant à bord fans, tant israéliens que palestiniens, heureux ensemble de participer à la toute première Coupe du Monde organisée en monde arabe et musulman. Pourrait-on faire parvenir ce paragraphe à TLMEP et à la propagande unilatérale de Robert Frosi?

3Un troisième motif, déjà exprimé dans un article récent, c’est que toutes les campagnes de haine contre les grands ensembles mondiaux (ONU – COP27 – COP15 – FIFA…) profitent à l’extrême-droite, représentée et encouragée par les banquiers, les marchands d’armes et les GAFAM : Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft.

4Accuser le Qatar détourne l’attention de l’Arabie Saoudite, notre meilleur client pour acheter nos armes et s’en servir contre le Soudan, le Yémen et l’Iran, sans compter que son prince régnant ayant fait découper en morceaux son principal opposant démocratique, vient d’être « gracié » par le président Biden, accusé par la veuve du journaliste Khashoggi du Washington Post d’avoir assassiné une deuxième fois son mari.

5En convoquant des sommets Pugwash qui ont permis des dialogues entre talibans et gouvernements occidentaux qui ont finalement retiré leurs troupes après avoir détruit le pays pendant 21 ans, le Qatar a exposé la turpitude des armées occidentales, y compris celle de l’inénarrable Harjit Sajjan en Afghanistan. Cela se paie…

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Peggy Mason

6Notre alliée Peggy Mason, ex-ambassadrice de paix pour le Canada à l’époque où notre pays voyait une valeur dans la paix, a dénoncé dans Ceasefire.ca le Qatar-bashing. De sa dénonciation, ressortent principalement les cinq points suivants :

a – En 2018, le Qatar a invité L’Organisation internationale du travail, une agence spécialisée de l’ONU (dont la devise, si vis pacem, cole justitiam [1], est gravée dans la pierre de ses locaux), à établir une succursale à Doha et à y abolir l’obligation servile pour les travailleurs étrangers d’avoir des permis pour sortir du pays, en leur accordant un salaire minimal et la liberté de changer de travail. Le Guardian souvent cité avait exagéré l’impact des 6500 travailleurs émigrants morts sur les chantiers (sur 10 ans de son enquête) sur une population de 1.4 million de travailleurs dont le sort a été amélioré par la Coupe du Monde. Les pitoyables médias qataris, héritiers du strict protectorat britannique 1916-1971, sont en partie responsables de l’ignorance des lois de protection, donc de leur non-respect.

b – En dépit du manque de journalistes locaux, l’appui offert par le Qatar à Al-Jazeera, a contribué à la création d’un organisme de presse de classe internationale donnant de l’importance aux nouvelles du Sud. Sa télévision est la plus regardée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (voir Wikipedia). Ses nouvelles déplaisent aux régimes tels les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite qui ont imposé un blocus de quatre ans sur une télévision qui menaçait leur régime autoritaire en filmant les manifestants contestataires du Printemps arabe. Mentionnons que Reporters sans Frontières et Amnistie Internationale ont pris le parti d’Al-Jazeera en critiquant la répression d’Israël menaçant aussi de fermer un réseau qui expose des faits cachés par ses confrères occidentaux : images de femmes et enfants massacrés par l’aviation du Tsahal, l’assassinat de Shirin Abou Akleh[ii], exemple récent terrible du durcissement d’extrême-droite d’un pays qui asservit les Palestiniens.

c – Peggy Mason a exprimé son sentiment de libération à participer au Forum de Doha 2019 rassemblant des Ministres d’Affaires étrangères croyant fermement en les Nations-Unies, en les lois internationales et ayant la foi de trouver des solutions globales aux problèmes mondiaux. Elle rappelle le don par le Qatar d’un demi-milliard de US$ à divers programmes : UNICEF, UNRWA pour les Palestiniens et l’UNHCR pour les réfugiés…

d – Elle loue les importantes médiations qui trouvent à Doha un terrain propice, par exemple les tractations de paix entre adversaires politiques du Tchad, du Soudan, de Somalie et d’Afghanistan, en réussissant à accueillir des Islamistes comme le Hamas et les Talibans, de même que la plus importante base militaire aérienne U.S. du Moyen-Orient.

e – Pour ce qui est de la criminalisation des LGBTQ et de l’infériorisation des femmes, indéniables, Peggy a une réponse qui compte sur le futur : elle cite une étudiante qatarie appelée Miriam heureuse de voir des stades remplis de personnes de tous genres et elle compte sur ce modèle pour amener l’évolution de sa société, qui déjà accueille tout le monde avec ouverture et garantit sa sécurité.

Peut-on être parfois heureux des possibilités de paix ?


[1] Si tu veux la paix, cultive la justice.

[2] http://www.artistespourlapaix.org/violences-anti-femmes-iran-israel/ Izabella Marengo, vice-présidente des Artistes pour la Paix et P.J. secrétaire général