Françoise David a fait voter par l’Assemblée Nationale une condamnation sans réserve et unanime de l’islamophobie et des appels à la haine et à la violence contre tout citoyen du Québec, ce 1er octobre 2015.

Elle a déclaré : Je n’accepte pas de vivre dans un Québec intolérant. La question du niqab se réglera en Cour suprême, mais la question des rapports entre la majorité au Québec et ses minorités, dont la minorité musulmane, ça doit se régler au Québec en dehors d’une campagne électorale. L’immense majorité de nos concitoyens et concitoyennes de confession musulmane ne veulent qu’une chose : vivre en paix au Québec, en intégrant les valeurs québécoises d’égalité entre les hommes et les femmes. francoise_david_tj Son entrevue au Téléjournal avec Céline Galipeau : cliquez ici.

Par ailleurs, Boucar Diouf, avec son bon sourire, sa sagesse africaine, sa famille et son expérience québécoises à l’UQAR, renchérit et nous rassure sur notre mansuétude fondamentale de Québécois, hélas manipulée par des fauteurs de guerre sociale usant de calculs politiques pour gagner des votes. Et Adib Alkhalidey y va de boutades humoristiques sur les manipulés qui vont voter avec un sac de patates sur la tête…


 

Le texte suivant cosigné par Haroun Bouazzi, coprésident de l’Association des musulmans et des arabes pour la laïcité au Québec, Marwan Mohammed, sociologue, chargé de recherche au CNRS (France) et Michel Seymour, professeur au département de philosophie de l’Université de Montréal nous éclaire sur l’islamophobie.

Nous avons lu et entendu plusieurs personnes se dire stupéfaites devant l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale d’une motion condamnant l’islamophobie au Québec. Plusieurs ont attaqué l’utilisation même du mot islamophobie. Ils affirment, à juste titre, qu’il prête le flanc à des mésusages puisqu’il est mal construit d’un point de vue sémantique et qu’il est employé par certains pour condamner toute critique de l’islam.

De quoi parle-t-on exactement? L’islamophobie est le rejet de l’Autre considéré comme radicalement différent, réduit à quelques caractéristiques soi-disant essentielles qui le rendraient inférieur à «nous», en fonction de son lien réel ou présumé à la religion musulmane.

Il est incorrect de faire appel au terme islamophobie pour faire taire toute critique de la religion musulmane [« mésusage » par « l’incorrect » Adil Charkaoui?]. Mais est-ce que les mésusages invalident le phénomène auquel se réfère le mot? Faudrait-il ainsi bannir tous les mots susceptibles d’être détournés? Bien sûr que non.

Prenons le mot antisémitisme, qui réfère au racisme envers les personnes juives. Ce terme peut être instrumentalisé pour faire taire les critiques de la politique coloniale de l’État israélien. C’est un mésusage. Le mot antisémitisme reste pourtant absolument indispensable pour désigner une forme de racisme qui, comme toute forme de racisme, est odieuse, vise une partie spécifique de la population, divise et empoisonne les sociétés où elle sévit.

D’autres cherchent à invalider l’islamophobie sous prétexte que le mot aurait été inventé par des mollahs iraniens afin d’interdire tout blasphème. C’est faux. D’abord, jusqu’à récemment, il n’y avait pas d’équivalent à ce mot en persan et, lorsqu’on creuse un tant soit peu, on s’aperçoit qu’il a été utilisé dès 1910 par des orientalistes français spécialistes de l’islam ouest-africain.

Pour d’autres encore, le suffixe «phobie» implique de définir l’islamophobie comme une peur irraisonnée, en évacuant les dimensions de la haine, du rejet et du racisme. Selon eux, la peur n’est pas condamnable, donc le terme est erroné.

S’il est vrai que la construction sémantique du mot n’est pas idéale, faudrait-il bannir également des mots aussi essentiels que xénophobie, négrophobie ou homophobie, sous prétexte qu’ils sont construits avec le même suffixe?

Dépassons ces polémiques sans fin et parfois douteuses sur le terme islamophobie – et focalisons sur la réalité de plus en plus alarmante qu’il désigne.

La motion contre l’islamophobie votée à l’Assemblée nationale est historique dans la lutte contre la xénophobie envers les musulmans au Québec. Elle arrive dans un contexte d’une grande violence dans le débat public. Durant les jours précédents la motion, nous avons observé:

  • Un déferlement de vidéos islamophobes et racistes incitant à la haine sur les réseaux sociaux ;
  • La manifestation en plein centre-ville sur Sainte-Catherine d’un groupe fasciste comme Pegida qui appelle régulièrement à déporter les Québécois de confession musulmane ;
  • Des appels à ne pas accueillir des réfugiés musulmans puisqu’ils seraient incompatibles avec le Québec, voire un «fléau», ou simplement de la «marde» ;
  • L’agression en plein jour d’une femme enceinte voilée par deux ados dans Anjou.

Imaginons une manifestation qui appellerait à déporter les Québécois gais…

L’islamophobie, comme l’homophobie, est avant tout un vécu pour les personnes qui en sont victimes. La douleur qu’elles vivent mérite de ne pas tomber dans les calculs politiques mesquins ou dans les sophismes grossiers.

Par conséquent, il fallait condamner d’une seule voix l’islamophobie, les appels à la haine et à la violence envers les Québécoises et les Québécois de confession musulmane. Cette motion ne dit pas que le peuple québécois est raciste. Au contraire, elle affirme clairement que, pour la nation québécoise, la lutte contre l’islamophobie est un enjeu qui dépasse les calculs partisans. Les élus l’on fait. C’est tout à leur honneur. Nous les saluons.

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Nous avons reçu ce message du président du forum canadien musulman:

(…) The election rhetoric based on fear-mongering against women who wear the niqab took over air waves, campaigns, interviews and polls. The campaign turned women’s safety and rights into a political game that distracted from the realities and significant concerns of Canadians. Muslims and Arabs have been problematized as not only a security problem, but as a socio-cultural problem in Canada. The Conservatives, thinking they would have won more votes from the niqab controversy, sank deeper into their conflict-ridden political campaigns. What made such negative policy bitter is the fact it was run by the prime minister of the country whose main role is to unite Canadians and protect women’s rights.

Muslim Canadians felt and without prior notice that they have been used as a politicla football for election purposes. The majority of Canadians started to believe that the Muslim community was being used to capitalize on misconceptions and to create fear in the hearts and minds of fellow citizens. As a result, in the midst of the elections, the xenophobic and islamophobic sentiments hit a peak and the expected constructive political debates during campaigns turned to be theaters where islamophobia became a free-for-all scene.

As the election campaign came to its last session, it became clear that the niqab debate that was initiated to the advantage of the Conservatives had backfired.  Mr. Harper relied on polls he ordered himself, bet big time on the niqab debate …and lost. Canada is a great country by all means. It can’t accept bigotry, hatred and discrimination. Canadians, on Oct 19 2015, made it clear and loud: yes to inclusion, no to exclusion.  The majority of Canadians chose the Federal political parties that have championed Canadian values of unity, harmony, equality and freedom of choice to represent them in the House of Commons. The election results will send a strong message to those politicians who have pursued campaigns of hate, prejudice, islamophobia, fear and division amongst Canadians that they have harvested what they have planted: loss and defeat.

Samer Majzoub, president of the Canadian Muslim Forum (FMC-CMF).