Texts in English follow
À la fin de mon bref article (qui contient une horrible mais hélas très plausible hypothèse de M. Gilbert Marcel), vous trouverez un texte admirable par un artisan de paix : ami de l’Ukraine, professeur syndicaliste dévoué (nous avons assuré les lignes de piquetage en 2009 ensemble lors de la grève du SPUQ), à qui hélas la Chaire Raoul-Dandurand commanditée par Power Corporation ne donne pas la parole, David Mandel a écrit un texte rempli de nuances qui éclaire le conflit ukrainien de l’intérieur, puisqu’il passe tous ses étés sur place. On est loin de la propagande grossière qui s’étale dans les médias officiels. Or un bref article par Gilbert Marcel qui nous est parvenu sur facebook explique cette propagande par une hypothèse à laquelle notre sens inné de la mesure refuse d’adhérer totalement mais que je suis heureux de laisser nos lecteurs/lectrices juges d’apprécier :L’Ukraine et l’enjeu du pétrole, par Gilbert Marcel
L’activisme politique du gouvernement Harper s’explique par les intérêts des pétrolières de l’ouest du pays. L’objectif géostratégique des États-Unis et du Canada est d’envenimer les relations entre l’Europe et la Russie et de raffermir les relations entre l’Europe et les États-Unis. L’entente de libre-échange transatlantique entre l’Europe et les États-Unis présentement en négociation – après l’entente entre l’Europe et le Canada – poursuit le même objectif. Les États-Unis et le Canada veulent mettre fin à la dépendance de l’Europe à l’égard du pétrole et du gaz naturel russe. Six sites portuaires de liquéfaction de gaz naturel sont présentement en construction aux États-Unis. Le but est d’exporter du gaz naturel en Asie afin de pouvoir rediriger la production du Moyen-Orient et de l’Afrique vers l’Europe. L’inversion de l’oléoduc d’Enbridge et le projet de construction d’un oléoduc par Trans-Canada Pipeline pour acheminer le pétrole des sables bitumineux vers les ports de Cacouna et de St-John au Nouveau-Brunswick s’inscrivent dans le même projet : alimenter l’Europe en hydrocarbures pour troquer sa dépendance à la Russie par une dépendance à l’Amérique du Nord. Dans ce dossier de l’Ukraine où s’entremêlent pétrole et guerre, environnementalistes, pacifistes et souverainistes devraient se trouver sur la même longueur d’ondes. Cependant, on n’entend que les environnementalistes qui s’opposent aux oléoducs. Où sont donc les pacifistes et les souverainistes?
Les pacifistes sont toujours là, mais censurés depuis une vingtaine d’années, lui ai-je répondu. Je l’ai référé à http://artistespourlapaix.org/?p=5542 notre belle collection d’articles de nos membres et amis qui s’objectent au saccage potentiel du fleuve et de Gros-Cacouna. Hier, le ministre de l’Énergie Pierre Arcand a proféré devant la Chambre de Commerce et Jean Charest un discours où il semble avoir totalement oublié son passage antérieur comme ministre de l’Environnement. Tous ces gens (heureusement, le Parti québécois et Québec Solidaire ont crié leur objection) sont prêts pour de l’enrichissement (personnel ? car une centaine, à peine, d’emplois est envisagée) à soutenir la politique guerrière de Harper, quitte à risquer par des pipelines de pétrole de sables bitumineux traversant notre fleuve de compromettre l’emploi des milliers de gens qui font visiter le fleuve et ses fragiles baleines et bélugas, sans mentionner la perte potentielle de jouissance des riverains…
Que pouvons-nous faire, à part signer la pétition de ceasefire.ca, contre l’envoi de troupes canadiennes pour faire la guerre à l’armée islamiste, ces djihadistes contre lesquels Mère Agnès-Mariam nous mettait en garde il y a plus de deux ans (lire nos articles précédents et notre lettre au ministre Baird) et que l’Occident continuait à armer allègrement en s’illusionnant sur « l’opposition modérée » au dictateur Assad ? Nous rassembler et clamer, comme notre ami Amir Maasoumi, « que le président Obama s’illusionne et que son alliance avec les monarchies pétrolières ne va-t-elle pas ajouter de l’huile sur le feu? Les Artistes pour la Paix sont en principe contre toutes interventions militaires/guerres/invasions sous n’importe quels prétextes ou justifications ‘’humanitaires, protection de minorités et des civils, libération des femmes, importation de la démocratie..’’ parce qu’on en a vu les conséquences négatives en Libye, en Irak et en Afghanistan.
L’expérience historique et l’analyse contextuelle de cette période de déclin d’un empire en crise ne démontrent-elles pas que l’empire cherche à tout prix »sa guerre’’ par essence, une guerre d’expansion, d’agression, de destruction et de domination pour entres autres le contrôle des ressources stratégiques (pétrole) dans le but d’assurer l’impossible pérennité de son hégémonie…? Nous sommes, aujourd’hui même, au 13ème anniversaire de la tragédie du 11 septembre qui a frappé New-York. N’oublions pas qu’en 2011, G. W. Bush jouissait aussi d’un immense appui parmi la population (manipulée) américaine pour ses crimes contre la paix, la liberté mais aussi contre l’humanité… Demandez aux mêmes gens qui l’appuyaient aveuglément à l’époque, ce qu’ils en pensent aujourd’hui… Notre rôle donc reste, malgré l’opinion populaire mal informée et manipulée qui pourrait être tentée d’applaudir à la guerre contre les barbares de l’ISIS, d’informer, de faire obstacle à la guerre et à la violence, de continuer à paver le chemin de la paix…
Et pour terminer, je pense que c’est une farce de très mauvais gout d’attendre des ‘’pyromanes’’ (OTAN, Arabie Saoudite, Qatar, Koweït, Turquie?) qu’ils jouent aux ‘’héros’’ pompiers! » Cela tombe bien: nous avons toujours clamé que la paix par les armes, ça ne fonctionne jamais et nous avons lundi prochain le 15 septembre notre assemblée générale annuelle des Artistes pour la Paix à l’Espace GO à 19h 15 pour en discuter ensemble ! Voici enfin le texte de Mark-David Mandel, que presse-toi à gauche et Canadian Dimension ont publié avant nous. On comprendra que M. Mandel y examine avec humanité les problèmes, sans les relier à quelque explication politique apocalyptique que ce soit.
Comprendre la guerre civile en Ukraine 14 août 2014
Le conflit en Ukraine, comme la plupart des phénomènes politiques, est multidimensionnel et complexe. En tant que tel, il appelle une approche holistique – dialectique, si vous le souhaitez. Mais à en juger par les porte-paroles du gouvernement américain et de l’OTAN et des médias occidentaux, il n’y a qu’un seul facteur vraiment déterminant qui explique tout : l’impérialisme russe, la volonté de Poutine de dominer et démembrer le reste de l’Ukraine, comme élément de son plan général pour restaurer l’empire soviétique. Selon cette vision simpliste, l’Ukraine, avec l’appui bienveillant de l’Occident, serait tout à fait capable de faire face à ses problèmes et serait bientôt en voie de devenir un pays prospère et une démocratie du type occidental.
Le point de vue que je défends est tout à fait le contraire : les racines du conflit ukrainien sont domestiques et profondes ; les interventions extérieures, bien que significatives, sont un facteur secondaire. Vues les limites d’espace, je vais mettre l’accent principal sur la situation interne. Mais je vais nécessairement, même si c’est plus brièvement, aborder les dimensions internationales du conflit. Cela est d’autant plus nécessaire que le gouvernement du Canada, dont je suis un citoyen, a adopté une position pro-ukrainienne et anti-russe particulièrement zélée. Mon objectif est d’offrir un cadre qui permettrait de comprendre et d’évaluer l’information que nous livrent les gouvernements et les médias.
Une société profondément divisée
L’Ukraine est une société profondément divisée par des différences de langue, de culture, d’identité historique, d’origine ethnique, de religion, d’attitudes envers la Russie, ainsi que par des intérêts économiques réels et perçus. Depuis que l’Ukraine a accédé à l’indépendance en 1991, ces divisions ont été manipulées et attisées par des élites économiques et politiques corrompues dans le but de détourner l’attention populaire de leurs activités criminelles et de tirer un avantage de la concurrence au sein de l’élite. Une telle manipulation, sur un fond de pauvreté et d’insécurité sociale de la masse de la population, a empêché les forces populaires de se mobiliser pour s’opposer à cette classe dirigeante oppressive, les soi-disant « oligarques », qui ont fait un gâchis de l’économie, tout en s’enrichissant de façon fantastique. Depuis l’indépendance, l’Ukraine a perdu plus de 13% de sa population, évaluée maintenant à 45 millions. Et de ces 45 millions, plusieurs millions séjournent aujourd’hui à l’étranger en Russie et dans l’UE comme force de travail bon marché.
Environ la moitié de la population de l’Ukraine parle l’ukrainien dans la vie quotidienne ; l’autre moitié parle le russe ; et pratiquement tout le monde est capable de s’exprimer assez bien dans les deux langues. Les trois régions ukrainophones de l’Ouest n’ont rejoint le reste de l’Ukraine que sous Staline dans les années 1940, après deux siècles sous des régimes oppressifs austro-hongrois puis polonais. Les parties méridionale et orientale du pays ne sont devenues des parties de l’Ukraine qu’à la fin de la guerre civile en 1920. L’Ukraine n’a jamais existé en tant qu’État avant 1991 (sauf pour une très brève période pendant la guerre civile russe).
La population des régions occidentales est profondément nationaliste. Au centre de ce nationalisme à l’heure actuelle se trouve la peur profonde et même la haine de la Russie et, à des degrés divers, des Russes. Les régions de l’est et du sud du pays, principalement russophones, ont de fortes affinités culturelles et ethniques, ainsi que des sympathies politiques et des liens économiques, avec la Russie. La situation dans les régions centrales est mixte. Le mémoire historique joue un grand rôle dans les divisions : les héros des régions occidentales ont collaboré avec l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale et ont participé à ses crimes ; les héros des régions de l’est et du sud se sont battus contre le fascisme et pour l’Union soviétique. En fait, il n’y a guère d’événement ou de personnage historique majeur depuis des siècles sur lequel les deux pôles puissent s’entendre. Il y a également des intérêts économiques en jeu : l’Est est plus industriel et étroitement intégré à l’économie russe, de loin la partenaire commerciale la plus importante de l’Ukraine ; les régions occidentales sont plus rurales et la majorité de leur population habite de petites villes.
Ces différences s’expriment dans des positions politiques opposées dans lesquelles des peurs irrationnelles jouent un rôle non négligeable. La population des régions occidentales, avec du soutien au centre, a été généralement plus mobilisée et a cherché à imposer sa culture, qu’elle considère comme la seule vraiment ukrainienne, au reste du pays. Des gens venant des régions occidentales ont constitué une partie disproportionnée des manifestants de la place « Maidan ». Les sondages d’opinion montrent régulièrement que la population ukrainienne est divisée sur des questions importantes, bien que la plupart des Ukrainiens, à l’Est comme à l’Ouest, aient considéré les gouvernements successifs comme corrompus et au service des oligarques. La question centrale de discorde a été la légitimité du gouvernement central. Celui qui a suivi le renversement de M. Ianoukovitch jouit d’un fort soutien à l’Ouest et aussi au centre, qui a connu une recrudescence important de nationalisme ; la population de l’Est et du Sud méprise et craint largement ce gouvernement, qu’elle considère illégitime.
Que dire du mouvement de la « Maidan » ?
La question initiale était le sort d’un accord économique que le président Yanokovitch avait négocié avec l’Union européenne. Ianoukovitch, identifié à l’Est et au Sud, a décidé (à bon escient, à mon avis) de suspendre les négociations et d’accepter l’offre russe d’un prêt de 15 milliards de dollars. Mais quand il a eu recours à la répression contre les manifestants, la contestation s’est transformée en mouvement de protestation contre le gouvernement lui-même, contre sa nature répressive et corrompue. Des éléments néo-fascistes armés de l’Ouest s’y sont de plus en plus impliqués, radicalisant davantage la protestation, attaquant la police, occupant des bâtiments gouvernementaux, poussant finalement Ianoukovitch à fuir le 21 février.
Un gouvernement provisoire a été formé par des moyens pas tout à fait constitutionnels. Ce gouvernement était composé exclusivement d’hommes politiques identifiés avec les nationalistes et les régions occidentales, y compris certains hommes politiques néo-fascistes. Des personnages politiques également identifiés avec l’Occident, y compris des oligarques, ont été désignés gouverneurs des provinces orientales, dont la population percevait largement comme hostile le nouveau gouvernement.
L’insurrection dans le Donbass
Copiant la contestation de la Maidan et aussi des actions menées antérieurement par des nationalistes dans les régions occidentales et dirigées contre le gouvernement Ianoukovitch, des groupes de citoyens locaux du Donbass dès le mois de février ont occupé des bâtiments gouvernementaux, appelant à un référendum sur l’autonomie de la région et, possiblement, sa sécession et son annexion par la Russie. Ces groupes n’étaient pas au début armés ni fondamentalement séparatiste. Comme leurs compatriotes de l’Ouest avaient fait plus tôt sous Ianoukovitch, ils réclamaient de l’autonomie locale comme protection contre un gouvernement central hostile.
La réaction de Kiev a confirmé les pires craintes et les préjugés de la population du Donbass. Sous l’impression de l’annexion de la Crimée par la Russie et sous l’impulsion de son propre nationalisme fervent, le gouvernement à Kiev n’a fait aucun effort sérieux pour tendre la main à la population de l’est. Au lieu de cela, il a presque immédiatement qualifié les manifestants de « terroristes » et a lancé une soi-disante « opération anti-terroriste » contre eux. Il n’a manifesté aucune volonté sérieuse de négocier, seulement d’écraser militairement. Et puisque l’armée ukrainienne avait été négligée et pillée pendant les années d’indépendance et que les soldats avaient peu le goût de tuer leurs compatriotes, le gouvernement a créé et armé une garde nationale, composée de volontaires mal formés qui comprenait des éléments ultra-nationalistes et néo-fascistes. Comme si cela ne suffisait pas, quelque 45 manifestants anti-gouvernementaux ont été massacrés à Odessa le 2 mai, un crime pour lequel Kiev a essayé de blâmer les manifestants eux-mêmes, ainsi que de mystérieux provocateurs russes.
Rien de tout cela n’a radicalement changé après les élections présidentielles de début mai. Le président Porochenko lui non plus n’a pas fait d’efforts sérieux pour négocier une fin au conflit. Les bombardements aveugles par les forces gouvernementales de centres civils dans le Donbass ne servaient qu’à confirmer la nature illégitime et étrangère du gouvernement aux yeux de la population locale.
Il n’y a pas beaucoup de choses que l’on sait avec certitude – au moins pas moi – des relations entre la population locale dans le Donbass et les insurgés armés. En outre, ces relations ont sans doute évolué avec le temps. Mais il est clair que les insurgés étaient et sont encore dans leur majorité des gens de la place et que, au moins jusqu’à relativement récemment, ils jouissaient de divers degrés de sympathie parmi la population, dont la plupart, cependant, ne voulait pas se séparer de l’Ukraine, mais plutôt une mesure d’autonomie. J’imagine qu’aujourd’hui que la population locale ne souhaite, pour la plupart, que la fin des combats et une sécurité physique.
L’insurrection elle-même s’est radicalisée au fil du temps, surtout avec l’arrivée des nationalistes russes de la Russie. Mais de toute façon, bien que le gouvernement de Kiev ait fait l’offre d’une amnistie à ceux et à celles qui n’ont pas commis de crimes graves, les milices craignent sans doute le pire s’ils devaient se rendre.
Le gouvernement central à Kiev
Le régime politique de l’Ukraine diffère du régime russe en ceci que les oligarques dominent l’État et contrôlent les médias de masse, tandis qu’en Russie le régime est « bonapartiste », c’est-à-dire que l’élite politique domine les oligarques, tout en servant leurs intérêts. Cela est essentiellement la raison pour laquelle il y a eu plus de pluralisme politique en Ukraine. Si cela a été plus bénéfique pour la classe ouvrière de l’Ukraine est une autre question. Quant à la situation économique et sociale, l’Ukraine est essentiellement comme la Russie, mais sans pétrole ni gaz. Un bref regard sur la carrière du président Porochenko, propriétaire milliardaire d’un empire de la confiserie et d’usines d’automobiles, offre une idée de la nature du régime. Porochenko était un membre fondateur du Parti des régions en 2000, la machine politique qui a finalement amené Ianoukovitch au pouvoir en 2010. Mais un an après la fondation du parti, Porochenko l’a quitté pour devenir l’un des principaux bâilleurs de fonds de Notre Ukraine, un parti étroitement identifié aux régions occidentales et au nationalisme ukrainien.
Porochenko a soutenu la soi-disant « Révolution orange » à la fin de l’année 2004 qui a porté au pouvoir Viktor Iouchtchenko, un nationaliste ukrainien pro-occidental convaincu. Porochenko est devenu ministre des Affaires étrangères de M. Iouchtchenko et a plaidé en faveur de l’adhésion à l’OTAN (une position qu’une forte majorité de la population rejetait). Mais il a perdu son poste en 2010, lorsque les élections présidentielles ont donné la victoire à Ianoukovitch. Porochenko est retourné néanmoins en 2012 pour servir Ianoukovitch comme Ministre du commerce et du développement. Mais il l’a quitté après huit mois pour retourner au Parlement comme député indépendant. Bref, c’est la carrière d’un opportuniste politique invétéré, qui, comme le reste de sa classe, souscrit à l’adage russe : « Où se trouve ma fortune, là se trouve mon coeur. » Porochenko, dans la mesure où il a des principes, ne fait pas partie de l’aile la plus extrême du nationalisme ukrainien. Mais il a quand même qualifié les insurgés du Donbass de « bandes d’animaux ». (Le Premier ministre Iatseniouk, bien-aimé des gouvernements occidentaux, les a qualifiés de « sous-hommes ».) Mais en tout cas, Porochenko partage le pouvoir avec un gouvernement et un Parlement qui comprennent des éléments importants de l’extrême-droite nationaliste. Et à cause de la faiblesse de l’armée, Porochenko a dû s’appuyer fortement sur des forces paramilitaires ultranationalistes afin de poursuivre la guerre.
Par exemple, l’accord de cessez-le-feu qu’il a accepté le 21 Juin et que, semble-t-il, il aurait voulu prolonger afin de poursuivre des négociations, a été écourté par une manifestation des soi-disant « bataillons de volontaires », recrutés en grande partie à partir d’éléments de l’extrême-droite nationaliste. Ensuite, il y a des gens comme le gouverneur multi-milliardaire de la région de Dniepropetrovsk, Igor Kolomoiskii, qui finance personnellement sa propre armée, le bataillon Dnipro ; ou le député parlementaire de plus en plus populaire, un populiste de droite qui se comporte en voyou, Oleg Lyachko, qui commande personnellement des bataillons dans le Donbass. Porochenko doit également tenir compte de la montée du sentiment nationaliste dans le sillage de l’annexion de la Crimée et de la campagne de propagande massive contre la Russie que mènent les médias contrôlés par des oligarques. Cette poussée nationaliste va bien au-delà des couches nationalistes habituelles de la société. Et enfin, la guerre et l’état d’urgence nationale servent de moyens pour consolider la base populaire du gouvernement et pour détourner l’attention populaire des politiques d’austérité qui ne sont qu’à leurs débuts.
La dimension internationale
Bien que le conflit soit fondamentalement une guerre civile, les forces externes y ont joué un rôle important. « L’Occident » – les États-Unis, l’UE, l’OTAN – porte une lourde responsabilité pour son soutien indéfectible au gouvernement de Kiev dans la guerre contre les insurgés du Donbass et pour son encouragement à une orientation politique et économique exclusivement pro-occidentale. En raison des divisions internes du pays, une telle politique est fatale à l’intégrité de l’État et au développement pacifique de la société. En outre, à partir du moment où ces divisions internes ont pris la forme d’une confrontation armée, l’Occident a soutenu sans broncher les actions et la propagande du gouvernement à Kiev. Cette propagande dépeint le gouvernement russe comme le seul responsable du conflit, tout en passant sous silence sa propre intransigeance et ses crimes très graves contre la population non-combattante du Donbass.
Une analyse des intérêts et des motivations de l’Occident dépasse la portée de cette article. Mais il est bien évident que, depuis la chute de l’URSS, les États-Unis, avec le soutien plus ou moins actif de l’Europe, ont suivi un cours visant à limiter au maximum l’influence géopolitique de la Russie et à l’entourer d’États hostiles. Malgré les promesses solennelles faites à l’époque à Gorbatchev, ces états ont été intégrés dans l’OTAN, dont la Russie est exclue. Et lorsque l’intégration dans l’OTAN n’est pas possible ou souhaitable, le « changement de régime » a été activement poursuivi. C’est la politique que l’Occident a activement poursuivi en Ukraine. La proposition d’association faite par l’Union européenne et qui a été à l’origine de la crise – une proposition qui contenait également des clauses relatives à la politique de défense – visait à forcer ce pays profondément divisé à choisir entre l’Europe et la Russie. (Dans un sondage national conduit en décembre 2013, 48% des répondants ont dit que Ianoukovitch avait raison de ne pas signer, 35% ont dit qu’il avait tort de ne pas signer. Dans l’Ouest du pays 82% estimaient qu’il a eu tort.). C’est ainsi que la situation a été perçue par le gouvernement russe. Il a vu le soutien occidental très ouvert et actif aux contestataires de la Maidan et ensuite le soutien occidental indéfectible pour le gouvernement provisoire et pour ses politiques comme étant en ligne directe avec la politique visant à « endiguer » la Russie.
L’annexion de la Crimée, qui ne semble pas avoir été planifié longtemps à l’avance, était, au moins en partie, un message envoyé à l’Occident : assez c’est assez ! En dépit des prétentions des gouvernements ukrainien et occidentaux, Poutine ne vise ni l’annexion d’autres morceaux de l’Ukraine ni la recréation de l’empire soviétique. Sans que cela soit son premier choix, Poutine accepterait la neutralité de l’Ukraine et ses liens économiques plus étroits avec l’Union européenne. Ce qu’il ne veut pas, c’est une Ukraine hostile à la Russie, exclusivement orientée vers l’Occident. La Russie européenne, là où se trouve la très grande partie de sa population et de son industrie, partage avec l’Ukraine une frontière de presque 2500 kilomètres de longueur. Compte tenu de l’histoire du XXe siècle, la sensibilité de la Russie à cette question ne devrait pas être trop difficile à comprendre, même en dehors des liens historiques, culturels, ethniques, familiaux et économiques entre les deux pays. Mais la Russie n’est pas sans responsabilité dans ce conflit.
En cela, je conteste la position d’une partie de la gauche (y compris en Russie) qui soutient l’annexion de la Crimée et le rôle que la Russie a joué dans la guerre civile, et qu considère ces politiques comme des politiques anti-impérialistes justifiées. D’autres éléments de la gauche ont, au contraire, adopté la position opposée, en embrassant essentiellement la version de Kiev du conflit. Il va sans le dire que la condamnation par l’Ouest de l’annexion de la Crimée est profondément hypocrite en vue de sa propre histoire, longue et continue, d’agression impérialiste et de son mépris des normes internationales. On pense au détachement du Kosovo de la Serbie et de l’invasion de l’Irak, comme deux exemples récents. En outre, il ne fait aucun doute que la grande majorité de la population de la Crimée, qui ne s’est jamais senti ukrainienne, était contente, certains même ravis, de l’annexion. C’est une chose que le gouvernement local avait souhaité déjà en 1992 avant d’être repoussé par la Russie. Il n’y a pas eu d’élection depuis l’indépendance de l’Ukraine où la population de la Crimée n’ait donné une majorité aux partis ukrainiens pro-russes.
En tant que citoyen d’un pays membre de l’OTAN qui est gouverné par un Premier ministre droitier qui a soutenu avec zèle le régime ukrainien, j’avoue que mon réflexe « instinctif » a été de soutenir le gouvernement russe comme agissant pour la défense des intérêts nationaux du pays contre l’agression occidentale. Mais une telle position est erronée. Si l’annexion de la Crimée ne faisait pas partie d’un plan directeur visant à restaurer l’empire soviétique, elle n’a été non plus motivée principalement par un souci légitime des intérêts nationaux de la Russie. Il faut quand même se demander ce qui pourrait bien constituer un intérêt national dans une société profondément divisée en classes où d’énormes richesses sont concentrées entre les mains de si peu et qui est dominée par un régime autoritaire et corrompu.
De toute façon, Poutine lui-même n’a pas expliqué l’annexion en termes d’intérêts géopolitiques. Dans son discours en mars consacré à la Crimée, puis au début de juillet au ministère des Affaires étrangères, il a plutôt parlé de l’obligation de la Russie à protéger les populations russes en dehors des frontières du pays. C’était un appel au nationalisme ethnique. Et cet appel a eu – au moins pour le moment – un très grand succès. La popularité de Poutine a atteint des sommets sans précédent, tandis que l’espace pour la contestation, déjà restreint, s’est réduit encore plus. Mais même du point de vue géopolitique de la Russie, l’annexion était un geste incroyablement myope et nuisible. L’annexion et la justification offerte ont donné une impulsion majeure à la paranoïa anti-Russie en Ukraine. Dans le même temps, il a encouragé la résistance armée des forces anti-Kiev au Donbass. Ainsi, alors que la Russie, sincèrement je crois, a constamment appelé à un cessez-le-feu et un règlement négocié, l’annexion a alimenté le conflit armé. Et la Russie y contribue directement depuis, puisque la vague nationaliste a obligé Poutine à permettre la pénétration officieuse au Donbass de combattants et d’armes, même s’il n’a aucune intention d’y intervenir en force pour sauver la milice. (Je pourrais avoir tort sur ce point, bien que j’en doute fortement.) Ainsi, au lieu de protéger la population russe du Donbass, Poutine a en fait contribué à la détérioration de sa situation et a miné la capacité de la Russie à défendre les intérêts de cette population.
En même temps, l’annexion a gravement contribué à la dégradation de la situation internationale de la Russie elle-même. En donnant un coup de fouet au nationalisme anti-russe en Ukraine, ce qui a solidifié l’appui au gouvernement de Kiev, Poutine a assuré que désormais l’Ukraine sera fermement dans le camp occidental et hostile à la Russie. Il a également contribué à solidifier l’OTAN comme alliance hostile visant à contenir une Russie supposément expansionniste. Et l’annexion a privé le gouvernement de ce qui avait servi de son argument principal contre les agressions occidentales : le respect des normes internationales de non-intervention dans les affaires intérieures des autres États et de leur intégrité territoriale.
Certains prétendent que Poutine a été forcé d’agir pour protéger la base navale russe de Sébastopol. Mais la menace n’était encore que potentielle, et la sauvegarde de cette base ne l’emporte pas sur le grave préjudice géopolitique causée par l’annexion. (Poutine semble avoir mal calculé que l’Europe, en particulier l’Allemagne, ne suivrait pas les États-Unis dans une croisade contre la Russie.) En outre, si la base avait vraiment été menacée, elle aurait pu à la limite être déplacée vers le port de la mer Noire en Russie à Novorosiisk. Le coût de cette opération n’aurait probablement pas été beaucoup plus élevé que les pertes qui seront infligées par les sanctions occidentales.
Conclusion
La solution, en principe, a toujours été évidente : un cessez-le-feu surveillé par des observateurs internationaux, suivi de négociations, à la seule condition de l’acceptation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. L’objet des négociations serait la dévolution de pouvoirs aux gouvernements régionaux et locaux élus. C’est la fameuse « fédéralisation », soutenue par la Russie et par la majorité de la population du Donbass, mais rejetée par Kiev et l’Occident, qui prétendent que c’est simplement une couverture pour la séparation de l’est de l’Ukraine et son annexion par la Russie. Mais dans une société si profondément divisée, le fédéralisme peut, en fait, être une mesure efficace contre le séparatisme. Si le Canada n’était pas un État fédéral, le Québec l’aurait quitté depuis longtemps. Mais les choses sont probablement déjà allées trop loin en Ukraine. Kiev, soutenu par l’Occident, ne veut pas entendre parler d’un cessez-le-feu. Il veut une capitulation inconditionnelle ou une victoire militaire. Et, bien que peu probable, les pressions intérieures en Russie pourraient finir par convaincre Poutine d’intervenir directement. Dans tous les cas, l’avenir ne semble pas très prometteur pour un État ukrainien unifié.
A very thorough analysis from my colleague at UQAM, congratulations, dear David!
One could also speculate about the Honourable Baird’s participation in the mobs attacks in Maidan, as a will to counter the Russian offer of 15 billion dollars worth of gas to the Ukrainian people and to topple the democratically elected (although ineffective and corrupt) pro-Russian government. And now, a boycott against Russia would leave Europeans dependant of Albertan bituminous sands’ petroleum and open the way for pipelines in Cacouna… Artists for Peace have asked in 1989 that NATO should be suppressed, in the same year than the Warsaw Pact. NATO has proven itself a terrible enemy of peace in Libya and before that, in Georgia. Maybe its policy will change with the replacement of Rasmussen by a Norwegian successor but I would not bet on that… Pierre Jasmin vice-president of Artists for Peace
Understanding the civil war in Ukraine
David Mandel | August 25th 2014 | Publié dans Canadian Dimension
The Ukrainian conflict, like most political phenomena, is multi-dimensional and highly complex. As such, it calls for a holistic – dialectical, if you wish – approach. But to judge by American and NATO spokespersons and by their mass media, there is only one really decisive factor that explains everything: Russia’s imperialism, Vladimir Putin’s determination to dominate and further dismember the Ukraine as part of his plan to restore the Soviet empire. In this simplistic view, Ukraine, with benevolent support from the West, would be quite capable of dealing with its problems and would soon be on its way to becoming a prosperous, Western-style democracy. My view is quite the opposite: the roots of the Ukrainian conflict are domestic and profound; outside intervention, while significant, is a secondary factor. Given limitations of space, I will, therefore, focus on the internal situation. But I will necessarily, if more briefly, also address the international dimensions of the conflict. This is also the more necessary since the Canadian government has been particularly zealous in its support for the Ukrainian government and in condemning Russia as solely responsible. My goal is to offer a framework that can help in understanding and evaluating the mass of information about the conflict coming from governments and the media.
A Deeply Divided Society
Ukraine is a deeply divided society – along lines of language, culture, historical identity, ethnicity, religious affiliation, attitudes to Russia, as well as real and perceived economic interests. Since Ukraine became independent in 1991, these divisions have been manipulated and fostered by corrupt economic and political élites with the aim of distracting popular attention for their criminal activities and to gain advantage in intra-élite competition. This manipulation, on the background of widespread poverty and economic insecurity, has prevented popular forces from mobilizing to oppose this oppressive ruling class, the so-called ‘oligarchs’, who have run the economy into the ground while fantastically enriching themselves. Since independence, Ukraine has lost over 13 per cent of its population, down to 45 million. Of those, several million are working abroad as cheap labour in Russia and the EU. About half of Ukraine’s population speaks Ukrainian in everyday life; the other half – Russian; and practically everyone can speak both languages well enough.
The three western, overwhelmingly ukrainophone, regions joined the rest of Ukraine in the 1940s after two centuries under oppressive Austro-Hungarian, then Polish, rule. The southern and eastern parts first became part of Ukraine at the end of the Russian civil war in 1920. Until 1991, Ukraine had never existed as a state, except for a very brief period during the civil war. The population of the western regions is deeply nationalistic; and at the centre of that nationalism at present is a profound fear, mixed with hatred, of Russia and, to varying degrees, of Russians.
The eastern and southern regions, mostly russophone, have strong cultural and ethnic affinities, as well as political sympathies and economic ties, with Russia. The situation in the centre is mixed. Historical memory plays a big role in the divisions: the heroes of the west collaborated with the German occupation in World War II and participated in its crimes; the heroes of the east and south fought against fascism and for the Soviet Union. In fact, there is hardly any major historical event or figure going back centuries upon which the two poles agree. There are also economic interests: the east is more industrial and closely integrated with the Russian economy, by far Ukraine’s leading trading partner; the western is dominated by small towns and is more agrarian.
These differences express themselves in opposing political positions, in which irrational fears play a not insignificant role. The population of the west, with some support in the centre, has generally been more active politically and has sought to impose its culture, which it considers the only truly Ukrainian, on the rest of the country. People from the western regions constituted a disproportionate part of the Maidan protesters. Opinion surveys consistently show the Ukrainian population to be split on major issues, although most, both east and west, have perceived the successive governments as corrupt and dominated by oligarchs. The major issue of contention has been the legitimacy of the central government. The one formed after Victor Yanukovych’s overthrow has strong support in the west and, to a significant degree, also in the centre, which has seen a nationalistic upsurge; the population in the east and south widely despises and fears the government, which it considers illegitimate.
What was Maidan?
The initial issue in the Maidan protest was the fate of an economic agreement that the then President Yanukovych had been negotiating with the European Union. Yanukovych, who was identified with the russophone east and south, decided (wisely in my view) to suspend the negotiations and accept Russia’s offer of a $15-billion loan. But when he resorted to repression against the protesters, the protest was transformed into a protest movement against the government itself, its repressive, corrupt nature. Armed neo-fascist elements from the West increasingly became involved, further radicalizing the protest, attacking police, occupying government buildings, and finally convincing Yanukovych to flee on February 21. A provisional government was then formed by not altogether constitutional means. It consisted exclusively of politicians identified with the western, nationalist regions and included several neo-fascists. Politicians identified with the west, including some oligarchs, were put in charge of eastern regions, whose population widely viewed the new government as hostile.
Donbass Insurgency
Copying the Maidan protest and earlier actions in the western regions that had been directed against Yanukovych’s government, groups of local Donbass citizens already in February began to occupy government buildings, calling for a referendum on the region’s autonomy and possibly its secession and annexation to Russia. These groups were initially unarmed, nor were they for the most part separatist. As their compatriots in the west had done earlier against Yanukovych, they were demanding local autonomy as a measure of protection against a hostile central government. Kiev’s reaction only confirmed the worst fears and prejudices of the Donbass population. Under the impression of Russia’s annexation of Crimea and spurred on by its own fervent nationalism, the new government in Kiev made no serious effort to reach out to the population of the east. Instead, almost immediately it declared the protesters “terrorists” and launched a so-called “anti-terrorist operation” against them. There was no genuine desire to negotiate, but to crush militarily. And since the Ukrainian army was a mess and had little taste for fighting its own people, the government created and armed a National Guard, consisting of poorly trained volunteers that included ultra-nationalists and neo-fascists. As if that were not enough to confirm the fears of the easterners, some 45 anti-government protesters were massacred in Odessa on May 2, a crime for which Kiev blamed the protesters themselves, as well as unidentified Russian provocateurs.
None of this changed fundamentally after the presidential elections of early May. President Petro Poroshenko has also made no serious effort to negotiate an end to the conflict. The indiscriminate shelling of civilian centres in Donbass by the government only confirmed its illegitimate, alien nature in the eyes of the local population. There is not much that is known for sure – at least by myself – about the relations between the local population and the armed insurgents in the Donbass. Moreover, these relations undoubtedly evolved over time. But it is clear that the insurgents were, and still are, in their majority local people and that, at least until relatively recently, they enjoyed varying degrees of sympathy among the population, most of whom, however, did not want to separate but only a measure of self-rule. I imagine that today the local population mostly wishes only for an end to the fighting and a measure of physical security. The insurgency itself underwent radicalization over time, especially with the influx from Russia of Russian nationalists. In any case, although the government in Kiev has made an offer of amnesty to those who have not committed serious crimes, the militias no doubt fear only the worst if they were to surrender.
The Central Government
Ukraine’s political regime differs from Russia’s in that in Ukraine the oligarchs dominate the state and the mass media. In Russia the regime is ‘Bonapartist’, that is, the political élite dominates the oligarchs, even while serving their interests. That is essentially why there has been more political pluralism in the Ukraine. Whether that has been more beneficial to Ukraine’s working-class is another question. As for the economic and social situations, Ukraine is basically Russia but without oil and gas. A glance at the political career of president Poroshenko, billionaire owner of a confectionary empire and auto plants, offers some idea of the nature of the regime. Poroshenko was a founding member of the Party of Regions in 2000, the political machine that eventually brought Yanukovych to power in 2010. But a year later, Poroshenko left the party to become a leading financial backer of Our Ukraine, a party closely identified with the western regions and with Ukrainian nationalism. He backed the so-called Orange Revolution at the end of 2004 that brought to power Viktor Yushchenko, a staunch pro-West Ukrainian nationalist. Poroshenko became his Foreign Minister, advocating NATO membership (a position rejected by a strong majority of the population).
But he lost his job in 2010 when Yanukovych won the presidential elections. Poroshenko nevertheless returned in 2012 to serve Yanukovych as Minister of Trade and Development. But he left that post after eight months to return to parliament as an independent. In short, this is the career of an inveterate political opportunist, who, like the rest of his class, subscribes to the Russian adage: “Where my fortune lies, there lies my heart.” Poroshenko, to the extent he has principles, does not belong to the more extreme wing of Ukrainian nationalism, although he has called the Donbass insurgents “gangs of animals.” (Prime Minister Yatsenyuk, beloved by Western governments, has called them “subhumans.”) But in any case, Poroshenko shares power with a cabinet and parliament that include extreme right-wing elements. And because of the army’s weakness, he has had to rely heavily on ultra-nationalist paramilitary forces to prosecute the war.
For example, the cease-fire, to which he agreed to on June 21 and apparently wanted to prolong while pursuing negotiations, was cut short after a demonstration by so-called “volunteeer” battalions, recruited largely from ultra-nationalist far-right elements. Then there are people like the multi-billionaire governor of Dnepropetrovsk region, Igor Kolomoiskii, who payrolls his own army, the Dnipro Battalion; or the increasingly popular parliamentary deputy, the right-wing populist thug, Oleg Lyashko, who has personally commanded volunteer battalions in the Donbass. Poroshenko also has to consider the upsurge of nationalist sentiment in the wake of Crimea’s annexation and the massive propaganda campaign against Russia in the oligarch-controlled media that has gone well beyond the typically nationalist elements of Ukrainian society. Finally, the war and national emergency are needed to distract popular attention from very harsh austerity measures that are really only in their first stages.
International Dimension
Although the conflict is fundamentally a civil war, external forces have played a significant role. The “West” (U.S., EU, NATO) bears a heavy responsibility for its unflinching support and encouragement of the Ukrainian government in its pursuit of an exclusively pro-Western political and economic orientation. In view of Ukraine’s deep internal divisions, that policy is fatal to the integrity of the state and the peaceful development of the society. Moreover, from the moment the internal divisions assumed the form of an armed confrontation, the West has unflinchingly supported both the actions and the propaganda of the Kiev government. That propaganda portrays the Russian government as solely responsible for the conflict and is silent about Kiev’s own intransigence, its serious war crimes against the non-combatant population of Donbass and the serious economic suffering it is imposing on the entire population.
An analysis of Western interests and motives is beyond the scope of this presentation. But it is quite obvious that since the fall of the USSR, the U.S., with more or less active support from Europe, has followed a course aimed at maximally limiting Russia’s geopolitical influence and at surrounding it with unfriendly states. Despite solemn promises made to Mikhail Gorbachev, these states have been integrated into NATO, from which Russia is excluded. Where integration into NATO has not been possible or desirable, regime change has been pursued. That has been the West’s policy in Ukraine. The EU’s association proposal, which was at the origins of this crisis and which contained clauses pertaining to defence policy, forced this deeply divided country to choose between Europe and Russia. (A national poll from December 2013 found that 48 per cent agreed with Yanukovych’s decision not to sign and 35 per cent disagreed. In western Ukraine, however, a full 82 per cent disagreed.) The Russian government saw the very open and active support for the Maidan protests and then for the provisional government and its policies as being in direct line with that policy of “containment.”
The annexation of Crimea, that does not appear to have been long in the planning, was, at least in part, a message to the West: only so far! Ukrainian and Western claims notwithstanding, Putin does not aim to further dismember Ukraine, nor does he plan to recreate the Soviet empire. While it may not be his preference, he is prepared to accept Ukraine’s neutrality and its closer economic ties with Europe. What he does not want is a hostile, exclusively Western-oriented Ukraine. European Russia, which has the bulk of its population and industry, shares a 2500 kilometer border with Ukraine. Given the history of the twentieth century, Russia’s sensitivity to this question should not be too hard to understand, even apart from the deep historical, cultural, ethnic, family and economic ties that bind the two societies. But Russia is not without its own responsibility in this conflict.
I take issue with some on the left (including the Russian left), who support the annexation of Crimea and Russia’s involvement in the civil war as justified anti-imperialist policies. Meanwhile, others on the left have taken the opposite position, essentially embracing Kiev’s version of the conflict. It goes without saying that Western condemnation of the annexation of Crimea is profoundly hypocritical in view of the West’s longstanding and continuing history of imperialist aggression and disregard for international norms. One thinks of the detachment of Kosovo from Serbia and the invasion of Iraq, as only two recent examples of this. There is, moreover, no doubt that the vast majority of the population of Crimea, which never felt itself to be Ukrainian, was happy, many even overjoyed, with the annexation.
Local Crimean governments have wanted as far back as 1992, only to be rebuffed by Russia. In every national election, Crimeans have voted overwhelmingly for pro-Russian Ukrainian parties. As a citizen of Canada, a NATO member with a right-wing government that has been a zealous cheerleader for Kiev, I admit that my first instinct was to support Putin as acting in defense of his country’s national interests against Western aggression. But that is a mistaken position. If the annexation of Crimea was not part of a master plan to restore the Soviet empire, neither was it motivated primarily by legitimate concern for Russia’s national interests. Indeed, one has to wonder what might constitute a national interest in a class-divided society where vast wealth is concentrated in the hands of so few and which is dominated by a corrupt, authoritarian government. In any case, Putin himself has not explained the annexation in terms of geopolitical interest. In his speech in March dedicated to Crimea and in another in early July at the Ministry of Foreign Affairs, he referred instead to the duty to protect Russian populations outside Russia’s borders. This is an appeal to ethnic nationalism. And it (as with the wars against Chechnya and Georgia before) has been extremely successful in boosting Putin’s popularity, at the same time as it narrowed the already limited space for opposition to his regime. But even from the point of view of geopolitical interest, the annexation of Crimea appears incredibly short-sighted and harmful to Russia.
The annexation, along with Putin’s justification, gave a major boost to anti-Russia nationalist paranoia in Ukraine. At the same time, it encouraged the armed resistance in Donbass to Kiev. So while Russia, sincerely I believe, has consistently called for a cease-fire and a negotiated settlement, the annexation, in fact, has fed the armed conflict. And Russia is also directly contributing to the conflict, since the groundswell of nationalist sentiment in Russia forces Putin to allow an unofficial, limited flow of combatants and arms to the Donbass, even while Putin has no intention of intervening in force to rescue the militia. (I could be proved wrong but I strongly doubt it.) And so instead of protecting the Russian population of Donbass, Putin has in fact contributed to the deterioration of its situation and has undermined Russia’s ability to effectively defend its interests. But the annexation has also been very injurious to Russia’s own situation in the world.
By giving a major boost to anti-Russian nationalism and the government in Kiev, Putin ensured that Ukraine will henceforth be firmly within the Western camp and hostile to Russia. He has also helped to solidify NATO as a hostile alliance aimed at containing a supposedly expansionist Russia. And he has deprived Russia of what had been its fundamental argument against U.S. and NATO aggression: respect for the international norms of non-intervention in the internal affairs of other states and for their territorial integrity. Some make the argument that Putin had to secure Russia’s naval base in Sevastopol. But the threat was only potential – although over the years high Ukrainian officials have spoken of handing it over to NATO – and its securing hardly outweighs the geopolitical damage to Russia incurred from the annexation. (Putin seems to have miscalculated Europe’s, especially Germany’s, willingness to follow the U.S. in a crusade against Russia.) Moreover, if Sevastopol were really threatened, the base could have been moved to Russia’s Black Sea port in Novorosiisk. The cost of the move would probably not be much greater than the losses that will be incurred from the Western sanctions.
Conclusion
The solution, in principle, has always been evident: a cease-fire monitored by international observers, followed by negotiations, on the sole condition of acceptance of Ukraine’s territorial integrity. The subject of negotiations would be the delegation of power to regional and local elected governments. This is the famous “federalization,” supported by Russia and most of the population of Donbass but rejected by Kiev and the West, who claim it is merely a cover for separation of Ukraine’s east and its annexation by Russia. But in so deeply divided a society, federalism can, in fact, be an effective measure against separatism. (If Canada were not a federal state, Quebec would have separated years ago.) But things might have probably already gone too far. Kiev, backed by the West, will not hear of a cease-fire. It wants a full surrender or decisive military victory. And, although unlikely, domestic pressures might finally convince Putin to intervene directly. In any case, the future does not appear bright for a unified Ukrainian state.
David Mandel teaches political science at the Université du Québec à Montréal and has been involved in labour education in the Ukraine for many years.
Article intéressant d’un ex-ambassadeur britannique à Moscou: Former ambassador’s wisdom
The Telegraph By Tony Brenton 10 Sep 2014
There is a Russian proverb: “If you can’t face the wolf, don’t go into the forest.” The West has blundered into the Ukrainian forest and enraged the Russian wolf, only to discover that we cannot face him. We should now be looking for the path out. Western policy has been built on two false premises. The first is that we must stop a revanchist Russia. As this narrative runs: yesterday Russia took Crimea; today Eastern Ukraine; tomorrow – who knows – Estonia, Poland? This precisely mirrors the Russian nightmare of predatory Nato expansion; yesterday Poland and Estonia, today Georgia, tomorrow – who knows – parts of Russia itself? The mutual suspicions of 1914 spring worryingly to mind. In fact, before what the Russians (with some justification) saw as a Western grab last February for control in Kiev, there was no evidence of Russian revanchism. Those who point to Georgia are wrong – it was the Georgians who started the 2008 war. Meanwhile, Ukraine is a uniquely sensitive case for Russia; the countries are bound by deep social, cultural, and historical ties. Kiev is known as the “mother of Russia cities”. And even in Ukraine the Russians want influence, not actual territory.
The “we must stand up to Putin as we did to Hitler” line is pure schoolboy politics. Putin, of whom I saw a fair amount as UK ambassador to Moscow, is not an ideologically driven fanatic, but much closer to Talleyrand – the calculating, pragmatic rebuilder of his country’s status in the world. Certainly the seizure of Crimea was illegal and destabilising. But it was a panicky response to a unique set of circumstances, not the start of an attempt to rebuild the USSR. Of course we are right to reassure those who feel most threatened – as Nato has done with its decision to create a “spearhead force”. We are right to condemn the destruction of MH17, which a report confirmed yesterday was almost certainly shot down. But the idea that sabre-rattling is necessary to convince Russia of Nato’s seriousness is ridiculous. If the Russians didn’t take the Nato security guarantee seriously, why would they be so worried about Ukraine joining? The second false premise is that economic sanctions can stop Russia. We have deployed sanctions six times against Russia since the Second World War; they have never worked, and won’t this time. There was an air of desperation around claims at last weekend’s Nato summit in Newport that sanctions pushed Russia into the current ceasefire. In reality the US, UK and Ukraine resisted a ceasefire that left Russia in command of the field in East Ukraine.
Ukraine only moved to accept the ceasefire because it suddenly started losing the war. Sanctions are a potemkin policy, deployed in the absence of any effective alternative. They have probably done some economic damage, but their sole political effect has been to rally the Russian people behind their president, and reinforce Putin’s conviction that this is a struggle he cannot afford to lose, whatever the cost. Even the Russian opposition doesn’t support them. It has become clear in the past two weeks that the Russians are ready to go to the brink to achieve their political objectives in Ukraine. Few believe we should go to the brink to stop them. So all we can do is prolong the agony and further immiserate Ukraine. Happily, the gap between the fiery rhetoric of the Newport summit and the moderation of its actual decisions implicitly acknowledged this.
The spearhead force will, despite Polish demands, not be sat on Russia’s frontiers. There will also be Nato help for Ukraine’s armed forces, but no serious weaponry (as they would still lose). Meanwhile, the summit did not refer at all to the most neuralgic point for Russia: Nato membership for Ukraine. And Nato members have rather belied their declared fears of a revanchist Russia by their reluctance to spend more on defence. When I went to such summits, a commitment, as in the Nato communiqué, to “aim to” raise spending amounted to a decision to do nothing. And as many commentators have noted, Russia’s objectives – a neutral Ukraine, and constitutional safeguards for the population in the East – are not impossible to meet. We do deals with China, with Iran, with North Korea. Uncomfortable as it may be, the time has come to do a deal with Putin. Part of this should be easy; Ukraine is in any case going to be in no condition to join Nato for the foreseeable future. Negotiating an acceptable level of autonomy for East Ukraine will be much harder.
The Russians are in possession, and will not let go until their concerns are met. Meanwhile Ukraine’s President Poroshenko has to deal with a nationalist Right whom every concession will enrage. Here, finally, sanctions could be of some use, with the offer to lift them helping to lubricate the way towards an agreement. The whole affair raises serious questions about the competence of Western policymaking towards Russia. The one route out of this mess has been visible for months. But let us not recriminate. There are still big prizes to play for. A democratic, prosperous, Western-leaning (but not allied) Ukraine is bound to become an important exemplar for the Russians next door. And the reopening of Western economic ties with Russia is crucial to the process of pulling that country, however slowly and erratically, towards European normality, too.
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