oubliés

Medellin, Colombie – années 70 – 80. Héctor Abad Gómez, prof de médecine quinquagénaire, était marié et père de cinq filles et un garçon, Héctor Abad Faciolince qui lui consacra en 2006, après sa mort, une biographie. Ce film touchant de Fernando Trueba qui en est issu m’a tiré des larmes, traduit en France sous le titre de L’oubli que nous serons.

La musique est l’art que je pratique, mais j’adore écrire sur le cinéma, principalement sur les films engagés aux préoccupations de paix, ignorés ou malmenés par la critique officielle, par exemple, le film guatémaltèque Nuestras madres par le jeune réalisateur César Díaz, méconnu même après avoir obtenu la Caméra d’Or du Festival de Cannes – 2019.

Quelle injustice frappe ces films, telle cette œuvre si vivante dont je désire vous parler, d’ailleurs recommandée par les Médecins sans frontières. Soit les voilà ignorés soit, quand leur qualité est indéniable, ils suscitent des commentaires condescendants de la presse, du genre qui a accueilli Nous serons les oubliés : « digne d’intérêt, mais… » « l’approche quasi hagiographique de cette histoire aurait assurément mérité une plus large perspective ». Des cinéastes québécois célèbres et les radio-canadiens Francine Grimaldi et Franco Nuovo ont vanté la semaine dernière l’admirable ouverture du public du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue : ce public humaniste vient d’accorder le Grand Prix Hydro-Québec à Nous serons les oubliés.

Médecin, essayiste et défenseur des droits de l’homme, le Dr Gomez dénonçait en priorité les  paramilitaires auteurs de massacres de milliers de militants de gauche, car il savait les militaires complices des politiques anti-communistes [1] du gouvernement. Il fut donc forcé à des périodes d’exils qu’il occupa à des perfectionnements en Californie et au Minnesota ou à du bénévolat à l’Organisation Mondiale de la Santé (ONU), récemment décriée par nos médias au point d’être en partie responsables d’une montée de rumeurs complotistes, sans compter les débordements médiatisés du Dr Raoult auxquels le site des APLP s’est objecté.

Dans la ville polarisée et violente qu’était Medellín dans les années 80, Pablo Escobar dont le film ne parle pas se voit décerner une célébrité internationale à partir de ses exportations de drogues et de films douteux romançant sa vie. En contraste, peu connu est le père de famille Gomez qui s’inquiète du bien-être de ses enfants et même du fils d’un ami conservateur qui l’enjoint de convaincre son fils adepte de masturbations quotidiennes qui inquiètent cet ami catholique d’y renoncer; le docteur prend alors le malheureux fils à part en lui conseillant de ne pas cesser ses activités normales pour un jeune à la libido intense, mais de faire attention à fermer sa porte de chambre et à ne laisser aucune trace susceptible d’inquiéter son père. Il s’empressera de le raconter à son propre fils en riant, brillante façon de lui passer un message de santé sexuelle, en évitant de moraliser ou médicaliser le sujet.

Ce n’est qu’une anecdote du film où on le voit s’occuper avec sa femme de jeunes de classes moins favorisées, partageant ainsi les fruits d’une éducation basée sur la tolérance et l’amour. Devant le cancer qui emporte sa fille adepte de musique hippie, il augmente le nombre de ses conférences à portée sociale qui heurtent une société intolérante corsetée par l’Église et l’armée. Non seulement elle reste sourde à son appel, mais assiste peureuse à sa réduction au silence. À nous de réagir ensemble, en faisant connaître l’art pour la paix


[1] http://www.artistespourlapaix.org/?p=1727 C’est le juste milieu pacifiste que prône le bon docteur qui refuse l’étiquette « communiste » accolée par ses opposants. Dans ce texte de 2012, je tente de décrire une idéologie non-violente voisine, inquiète des extrémismes.