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Depuis un an et demi, deux quinquagénaires Canadiens croupissent dans des cachots chinois, sans avoir mérité un tel sort cruel. De plus, les voici accusés d’espionnage depuis vendredi dernier et passibles d’emprisonnement à vie. La justice d’un pays qui place la politique servant sa collectivité au-dessus de tous droits individuels en a décidé ainsi, en les emprisonnant peu de temps après l’emprisonnement par le Canada d’une femme d’affaires chinoise, vice-présidente de la compagnie influente Hua-Wei : sans doute était-elle coupable d’avoir bien développé la technologie 5G, soupçonnée d’être un cheval de Troie de cyberespionnage; c’est ce que mon article de décembre 2018 expliquait, en exposant en outre la faiblesse des moyens canadiens d’investigation, telle que critiquée par le directeur de Pugwash Canada. Mais je m’indignais surtout :

Si la faute principale de madame Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei, est d’avoir contourné l’interdiction par Trump de transiger avec l’Iran, ce serait une bourde diplomatique majeure de la part du gouvernement Trudeau de la retenir prisonnière. Car signé par Obama, par toutes les puissances européennes ET APPROUVÉ PAR LE CANADA, le traité JCPoA avec l’Iran qui a accepté de ne pas enrichir son uranium au-delà d’un chiffre critique où il pourrait le convertir en arme nucléaire, fait encore force de loi, davantage que l’humeur belliqueuse de Trump qui l’a déchiré pour plaire à Israël et à l’Arabie saoudite.

arbourEn janvier 2020, treize mois plus tard, j’intitulais un autre article l’angélisme  de Louise Arbour. Car derrière sa défense admirable et constante des principes chers à l’ONU en divers continents, je la voyais rarement se mouiller à dénoncer les magouilles militaristes de son propre gouvernement canadien, comme le journaliste Robin Philpot l’en soupçonnait. Robin, pardonne-moi, je sais que tu ne seras pas d’accord si je la trouve aujourd’hui courageuse et déterminée, avec son énergique sortie qui attaque franchement l’indécision peureuse des Lametti et Trudeau cherchant à couvrir la gaffe de Chrystia Freeland qui avait emprisonné Meng Wanzhou pour plaire à Trump.

Afin de sauver les deux Michael en danger de mort, Madame Arbour a appelé hier à ce que le ministre de la Justice révoque le processus d’extradition canadien qui retient madame Meng prisonnière. Consciente qu’on lui reprochera non sans raison de céder au chantage chinois, elle s’attache néanmoins au principe de la vie humaine comme le bien le plus précieux, d’autant plus qu’elle a connu un des deux Michael à l’International Crisis Group. Mais le principe vaut aussi pour la femme d’affaires chinoise qui retrouverait sa famille en Chine.

Le ministre de la Justice Lametti, qui est aussi procureur général, a ce pouvoir de suspendre le processus d’extradition, affirme courageusement l’ancienne juge à la Cour Suprême. Dans une entrevue bien menée hier soir par Marie-Maude Denis à Radio-Canada, elle rappelle en outre l’imbroglio à propos de SNC-Lavalin, qui avait causé le renvoi de la ministre autochtone de la Justice par Trudeau, madame Jody Wilson-Raybould, consciente de ses deux fonctions au point de souffrir de schizophrénie !

Voici comment se concluait mon article de décembre 2018 :

Notre pays se targue, lui, d’administrer la justice sans considération politique, mais obéit à une demande d’extradition encore imprécisée de la part de M. Trump: on sympathise avec les Chinois quand ils expriment leur indignation, comme à TéléQuébec dans trois entrevues de Canadiens d’origine chinoise écoutés avec dignité par Benoît Dutrisac. N’est-il pas temps de permettre à madame Meng Wanzhou de rentrer chez elle retrouver son mari et ses enfants, en laissant derrière elle en gage ses riches propriétés de Vancouver ?

Aujourd’hui, sauver les deux Canadiens en danger de mort (car eux ne sont pas mis en quarantaine dans des maisons luxueuses, mais en prison) serait l’objectif louable à poursuivre, même si l’orgueil de Trudeau et celui de son ancienne ministre des Affaires étrangères risquent d’en souffrir.