Les Artistes pour la Paix présents vous offrent ce bref compte-rendu de l’évènement Cuisine ta Ville du 12 au 14 mai à l’Esplanade de la Place des Arts.
La série LE CŒUR ET LA TÊTE a proposé plus de vingt-cinq moments de rencontres et réflexions avec
- des TÉMOIGNAGES prenants et souvent pleins d’humour de personnes réfugiées qui nous livrent leur expérience de vie et
- des présentations de type CONFÉRENCES par des spécialistes et intervenants qui ont à cœur et connaissent les défis à relever tout au long de ce processus éprouvant.
Plusieurs thématiques d’importance telles que
- la paix,
- l’intégration,
- la francisation,
- l’emploi,
- l’isolement,
- les traumatismes,
y furent abordés et sujets à discussions.
Chaque moment de rencontre fut une ouverture à l’Autre. Certains témoignages furent accompagnés de lectures, chansons, photos…
UNE PROGRAMMATION ARTISTIQUE multidisciplinaire et gratuite a complété votre séjour à Cuisine ta ville sur la thématique de l’exil, du réfugié, de l’étranger… le tout en ARTS VIVANTS, EXPOSITIONS et CINÉMA.
Outre les interventions LE TEMPS D’UNE SOUPE, l’entièreté de la programmation a eu lieu vu la pluie sous des abris blancs dont l’alignement rappelait les camps de réfugiés des Nations Unies, en pleine rue Sainte-Catherine. Une enfilade symbolique de valises, sacs verts et boîtes de carton se créait un chemin à travers les escaliers menant à la Place des Arts.
L’événement ATSA a réfléchi sa scénographie globale comme une œuvre d’intervention relationnelle. Comme à chaque année, Annie Roy et Pierre Allard animaient le tout avec leur générosité coutumière et contagieuse. Annie a livré des témoignages extraordinaires à diverses émissions de Radio-Canada et pour le Devoir.
Présentation de Pierre Jasmin
Samedi 21h, abri 3
M. Trudeau, pourquoi ne pas accorder LA PRIORITÉ à l’aide internationale et à l’ONU, plutôt qu’à la Défense nationale et à l’OTAN ?
Le 13 mai 2017 à 21 h à l’Esplanade de la Place des Arts à Montréal, pour ses amis de l’ATSA Artistes pour la Paix de l’année 2008, Pierre Jasmin a livré une communication passionnée sous plus de cent images d’un diaporama électronique maison. Grâce à l’engagement de son auditoire, elle fut aussi passionnante, remettant en question les bombardements et la politique pétrolière canadiens aggravant le réchauffement climatique, qui ont contribué à enfler le nombre des réfugiés à 65 millions.
Traversée
Samedi 17h, abri 10
Lecture en français et en langue de signes québécoise. Texte, Estelle Savasta. Mise en scène, Milena Buziak. Une production de Voyageurs Immobiles, Cie de création
Sur scène, Hodan Youssouf, actrice sourde, et Florence Blain Mbaye, actrice entendante, racontent, chacune dans sa langue. Traversée est une histoire d’exil, d’héritages inconscients, de parcours intérieur, de rupture et de nécessaire reconstruction.
Nour grandit avec sa nourrice, Youmna. Youmna est belle et douce. Elle sent l’oranger. Elle est aussi sourde. Il n’y a rien que Nour ne partage avec Youmna. Pourtant, un jour, Nour doit quitter Youmna pour aller dans un pays lointain où les filles peuvent aller à l’école, échevelées si elles le veulent.
Lecture de cette pièce de théâtre par la troupe des Voyageurs immobiles qui trouvait sa place naturelle au sein de cet événement. Les deux actrices s’impliquent dans leur art avec ferveur, alors que la metteure en scène Milena Buziak, formée à l’UQAM, veillait à orchestrer le tout avec une retenue exemplaire, en s’appuyant sur l’environnement sonore discret de la compositrice Diane Labrosse pour sa deuxième collaboration avec Voyageurs Immobiles (La femme corbeau, Théâtre Prospero 2013).
Traversée est une histoire d’exil, d’héritages inconscients, de parcours intérieur, de séparation et de nécessaire reconstruction.
La compagnie s’est bâtie sur le paradoxe du déplacement et de l’immobilité. Ce que nous privilégions est le voyage intérieur de l’acteur et du public : un voyage à faire ensemble le temps de la représentation. Notre mission est de rassembler des artistes principalement issus de la diversité culturelle autour de projets contemporains qui transgressent librement les frontières entre les pays et les disciplines artistiques afin de créer des spectacles pour tous les publics d’aujourd’hui. Ce qui nous rassemble c’est l’art comme questionnement du présent et éveilleur de conscience par le dialogue. La langue pour nous n’est pas une barrière mais une force de créativité. Nous créons dans nos spectacles une poésie du langage, de la musique et des images qui interpellent l’intelligence, l’imagination et la capacité émotive du spectateur.
Aram Bayat
Samedi 15h30, abri 10
Issue du défunt Institut national iranien de danses folkloriques de Téhéran, Aram Bayat fuit son pays natal à la suite de la Révolution islamique. La jeune diplômée doit abandonner la pratique de la danse puisque celle-ci est désormais considérée comme blasphématoire par les diktats du régime. Établie à Montréal depuis, elle fonde en 1988 sa troupe de danse : Khorshid Khanoom Dance Group. Elle a témoigné de son histoire et ses étudiantes nous ont fait une présentation chorégraphique fort éloquente, en présentant même des danses kurdes et en intégrant des spectateurs. En marge de son enseignement, Aram Bayat est une ardente défenderesse des droits de la femme et du patrimoine de la danse iranienne. Son parcours a fait l’objet d’un documentaire Forbidden Sun Dance réalisé par Lila Ghobady (2008), présenté à Cuisine ta ville samedi aussi.
Denise Otis
Samedi 19h30, abri 3
Mythes et réalités : un échange avec Denise Otis sur la protection internationale au Canada.
Denise Otis travaille au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés basé à Montréal et est chargée de conseiller le HCR sur la protection des réfugiés au Canada. Elle abordera les questions suivantes afin de démystifier pour tous la situation des personnes réfugiées et pourra répondre aux questions du public sur les mythes et réalités qui entoure leur périple : qui sont celles et ceux qui arrivent au Canada pour y demander la protection ? Pourquoi viennent-ils ? Comment viennent-ils ?
Papy Maurice Mbwiti
Samedi 16h, abri 5
Comédien – Auteur – metteur en scène et directeur de théâtre, Papy est un artiste très engagé dans les questions citoyennes et de droits de l’homme à travers ses textes, son théâtre et ses actions dans un contexte de confiscation de la parole et de limitation des droits: engagement qui lui coûtera son départ de sa terre natale. Pendant plus de dix-sept ans, il exerce et pratique du théâtre d’intervention sociale et citoyenne, à travers la compagnie théâtre les Bejarts, un programme d’éducation civique par le théâtre et le cinéma. Véritable militant de la liberté d’expression, Papy considère le théâtre comme espace par excellence d’expression démocratique.
Philippe Ducros
Samedi 15h, abri 4
« En 2004, j’ai fait une résidence d’écriture à Alep, en Syrie. Vous dire comment c’était beau à l’époque… Je voulais parler de la Palestine, de son occupation. Et ma vie a changé. Tout ça m’a mené six fois au Proche-Orient, en Palestine, en Israël, au Liban et en Syrie. Et les camps de réfugiés palestiniens qui y pullulent… Ça m’a aussi mené en Éthiopie dans le camp de réfugiés somalien Kebribeyah et en République démocratique du Congo, dans le camp de déplacés internes Mugunga 3. C’est de ces marges à nos civilisations que j’ai envie de vous parler, de ces miettes que les guerres laissent derrière elle… Et des liens qu’on a avec eux, en tant que citoyen du Canada ou de l’ONU. En parler ensemble, de façon conviviale, autour de certains textes que j’ai écrits là-bas, autour aussi de photos que j’y ai prises. Depuis, avec des amis, on parraine une famille de réfugiés syriens, la famille Maksoud. Vous pouvez nous aider en donnant un peu… Pour en savoir davantage https://www.gofundme.com/ensemble-pour-la-famille-maksoud ».
C’est toujours une révélation-choc d’entendre comment Philippe Ducros, deux fois finaliste de nos sélections d’artistes pour la paix de l’année, réussit avec ses mots intenses et subjectifs, voire poétiques, à nous transmettre objectivement la réalité crue de ces gens si cruellement relégués dans des camps aux conditions inhumaines.
Mais on croit les connaître et les aimer, en percevant leur humanité à travers ses mots choisis si vrais, grâce à sa sensibilité exceptionnelle et grâce à son courage formidable de témoin qui va régulièrement à leur rencontre. Et on ne peut plus oublier, grâce à lui, que cela devient, avec nos guerres et nos bombardements, avec les drones, les mines anti-personnel et les bombes à sous-munitions (cluster bombs) fabriqués en Amérique du Nord qui en est totalement exemptée, la réalité quotidienne de millions de personnes, femmes et enfants compris. Le Haut-Commissariat de l’ONU parle de 65 millions de réfugiés sur la planète…
En conclusion, un immense merci et longue vie à l’ATSA !
Ô, SYRIE, TU PLAISANTES ?
La Syrie, pays millénaire berceau des civilisations où fût inventé l’écriture, la belle, l’héroïque Syrie où il faisait bon vivre de liberté, d’amour et de paix, la Syrie où les citoyens manifestaient pacifiquement et quotidiennement leur désir de parfaire les lois de leur grand pays, la Syrie, notre sœur à tous, la Syrie a soudain vu ce matin gris de plomb, des ombres s’infiltrer dans les murs de sa maison, pour y faire paraître à la grande lumière de ses jours, des sales bêtes dressées par les ennemis de l’humanité, des animaux domestiqués par les Avares du monde capitaliste, assoiffés de misère et saigneurs de la planète, dans la population syrienne ils ont installé la terreur, en se mêlant aux manifestations pacifiques des citoyens syriens, pour tirer sur les autorités qui protégeaient la foule, ils ont attenté à l’ordre public et, ayant amené avec eux des journalistes des caniveaux de Wall Street et des reporters des égouts médiatiques parrainés par les banquiers de la Terre, ils ont répandus l’infamie en créant une rumeur hostile au bonnes gens de Syrie, et les ont fait qualifier de terroristes, de dangereux criminels, et cela pour que le reste du peuple de l’humanité croit des mensonges répétés sans arrêt, comme une vérité qui a donné prétexte aux raisons de la destruction de ce pays magnifique, et au génocide total de sa population, et maintenant, maintenant, des millions de gens vivent l’exode transportant avec eux d’affreuses et innommables blessures.
Le Soleil ne se couche plus sur les ruines fumantes, il pleut des pierres et je ne peux pas aider les miens, je nage dans mon chagrin, un océan de chagrin, où surgissent des terres, pour échouer solitaire, dans des nuits frontières, barbelées de l’indifférence muette du mépris. Ô, ma Syrie, ma sœur qui fut reine, je traîne derrière tes haillons, et ramasse les pierres qui tombent pour en faire une fronde. J’avais tant à faire pour des routes, des maisons, et des jeux, que me voici en guerre contre ma propre colère, la gorge sèche, j’avale ce cri qui m’étrangle, et toi, ma Syrie, ma sœur tendre, tu me consoles en marchant devant, dans les fumées tu chantes une mélopée sans voix, et tes paroles raisonnent en moi, comme si Baal roulait les pierres du mont Safoon dans les torrents qui remplissent tes sources de sable.
Ô, Syrie !
Le chiendent et le coquelicot ont fleuri entre les pierres, l’herbe jeune frémit sur l’aire, un chardonneret espère en un chant neuf. Qui viendra te consoler d’éternité, quel cadeau le présent ne peut ne pas nous apporter, quelle joie insensée danse à mon bras quand tu ris après avoir épuisé toutes tes larmes ? Ô, Syrie, tu plaisantes ? Moi, je reste interdit.
Pierre Marcel Montmory Trouveur