Le Québec diffère du reste de l’Amérique du Nord pour ce qui est des armes à feu. Est-ce à dire que nous sommes immunisés contre le genre de massacre survenu hier au Connecticut où un jeune homme de 20 ans s’est emparé du fusil automatique de sa mère pour la tuer ainsi qu’une vingtaine d’enfants d’une école primaire? Bien sûr que non.
Mais avec des oeuvres comme par exemple 30 vies, la Galère ou Unité 9 (animées par des comédiens qui démontrent un raffinement inouï dans le réalisme par rapport aux oeuvres d’il y a vingt-cinq ans, bref je suis tanné d’entendre des vieux comme moi dire que la qualité d’interprétation n’est plus ce qu’elle était!), notre culture télévisuelle québécoise nous épargne toutes ces séries américaines où la justice se décline au son des revolvers des bons: c’est cette apologie de la violence des « bonnes » armées ou des « bons » policiers que dénonçait déjà une pétition des Artistes pour la Paix initiée par Antonine Maillet et Jean-Louis Roux, contresignée par la Corporation des psychologues, par des évêques et par le maire Doré et par 160 000 signataires à la fin des années 80. L’idée derrière la pétition à laquelle avait travaillé Pacijou, c’est que si vous êtes un enfant ou ado fragile psychologiquement, avec en plus un accès à des armes d’assaut militaires en vente libre, vous risquez d’être influencé par ces films qui se terminent en fusillades et un monceau de cadavres pour voir aussitôt « le bon » embrasser la femme éplorée et les enfants et les voisins retrouver automatiquement la paix et le sourire. Peut-on s’étonner qu’un jeune perturbé y voie la solution rêvée à tous ses problèmes qui s’accumulent et dont il ne peut parler à personne, vu que M. Harper pour financer ses F-35 coupe l’aide fédérale aux soins de santé publique?
Il est bon de constater que Pauline Marois veut poursuivre l’exception québécoise, telle qu’on l’encourageait par notre article du 12 septembre dernier que voici pour rappel.
« Grâce au jugement de la Cour Supérieure d’aujourd’hui, salué avec joie par l’immense majorité des Québécois, dont notre amie Heidi Rathjen de Polytechnique se souvient, salué avec « déception » par M. Harper, on s’acheminera certainement vers une société meilleure, en tout cas plus responsable…
Voici le communiqué de Wendy Cukier de la Coalition pour le contrôle des armes:
« La Coalition pour le contrôle des armes applaudit la décision de la Cour supérieure du Québec de sauver les données du registre des armes!
Montréal, le 10 septembre 2012 : La Coalition pour le contrôle des armes a réagi à la suite de la décision rendue aujourd’hui par le juge Marc-André Blanchard de la Cour supérieure du Québec qui a accordé à la province le droit de rapatrier les données du registre :
« La décision de la Cour réaffirme le fait que les données sur les armes à feu auxquelles la province a contribué sont utiles, et qu’il est dans l’intérêt général, pour la sécurité publique, de les maintenir et de les rapatrier. À l’Assemblée nationale du Québec, tous les partis politiques se sont unis pour soutenir cette action en justice, ayant pour priorité le renforcement de la protection des citoyens là où le gouvernement fédéral a échoué. Il reste encore beaucoup à faire. » a déclaré Wendy Cukier, présidente de l’organisme.
Au printemps dernier, le gouvernement fédéral a rapidement adopté le projet de loi qui met fin à l’enregistrement des carabines et des fusils de chasse, permettant ainsi à une personne autorisée d’acheter autant d’armes qu’elle le souhaite et ce sans traces. Cette loi est en vigueur pour toutes les armes non-restreintes, tels que les fusils et les carabines, ainsi que pour de puissantes armes semi-automatiques comme le Ruger Mini-14 utilisé à l’École Polytechnique en 1989. Malgré les plaidoyers des policiers, la loi exige également que toutes les données sur la propriété des 7,1 millions de carabines et fusils de chasse inscrites au registre soient détruites, éliminant par le fait même la possibilité que les armes volées ou des armes récupérées sur les scènes de crime puissent être retracées jusqu’à leurs propriétaires.
Le gouvernement a affaibli davantage les contrôles en adoptant discrètement une réglementation en juillet dernier interdisant les provinces d’exiger que les marchands d’armes tiennent des registres de leurs ventes de carabines et de fusils, annulant une mesure en vigueur depuis 1977. Le Canada ne se conforme plus aux exigences des accords internationaux visant à lutter contre le commerce illégal des armes à feu. Ces mesures n’ont pas d’autre justification que de répondre à un lobby des armes qui milite en faveur du « droit » à posséder des armes (et de les garder en secret) avec peu de contrôles ou de responsabilités, de style américain. Le lobby des armes a clairement indiqué que ces changements ne sont qu’une première étape.
Pour plus d’informations:
La Coalition pour le contrôle des armes, 514.528.2360, cgc.montreal@gmail.com, http://www.controledesarmes.ca
Fondée à la suite de la tuerie de l’École Polytechnique, la Coalition pour le contrôle des armes est le seul organisme à but non lucratif national qui œuvre pour réduire les décès, les blessures et le crime par arme à feu.
La Coalition est appuyée par plus de 300 organismes qui œuvrent en prévention du crime et des blessures, en santé et sécurité des femmes, pour les droits des victimes, ainsi que par des associations de policier(e)s et des organismes communautaires incluant les Artistes pour la Paix, l’Association canadienne de santé publique, l’Association pour la santé publique du Québec, l’Association canadienne des chefs de police, la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, la Fraternité des policiers et policières de Montréal, les familles et les ami(e)s des victimes des fusillades à l’École Polytechnique et au Collège Dawson, la CSN etc… »
Voici maintenant ce que les Artistes pour la Paix écrivaient en mars 2012, avant l’adoption de la malheureuse loi de M. Harper, C-19.
Le gouvernement du Québec a bien entrepris cette semaine, grâce à l’action de son ministre de la Justice, M. Jean-Marc Fournier, une contestation juridique pour empêcher le gouvernement fédéral de détruire les enregistrements du registre des armes à feu, du moins ceux identifiant les détenteurs de ces armes résidant au Québec. Les Artistes pour la Paix sont intervenus d’innombrables fois dans ce dossier, politiquement entre autres par nos encouragements à Maria Mourani et à Gilles Duceppe (Bloc Québécois) dans leur vaillante lutte de l’automne 2010 qui avait permis de défaire la motion conservatrice de détruire le registre par deux votes, artistiquement entre autres par des prestations en souvenir de la tuerie de Polytechnique par des récitals de Judi Richards et Richard Séguin.
En ultime recours, les Artistes pour la Paix avaient envoyé une lettre à tous les sénateurs ainsi rédigée, malheureusement ignorée par les médias:
« Distingué(e) sénatrice, sénateur,
C’est avec un sentiment très lourd d’un devoir à accomplir que les Artistes pour la Paix vous écrivent aujourd’hui le 15 février 2012.
Nous fûmes impliqués, depuis les événements à Polytechnique en 1989, dans l’élaboration du projet de loi C-68 sur le contrôle des armes à feu. Rappelons d’abord qu’en collaboration avec Heidi Rathjen, graduée de Polytechnique en 1990, donc consoeur des victimes, nous avions travaillé à la mise en vigueur de C-68 il y a dix-huit ans avec le ministre libéral Allan Rock: en tant que président des APLP, j’avais reçu à cette occasion un diplôme d’honneur des mains du ministre, entre autres pour avoir conseillé le sénateur Jean-Louis Roux dans son discours qui avait contribué à emporter l’adhésion du Sénat à la loi, y compris celle du regretté sénateur conservateur Gérald Beaudoin alors devenu membre (comme le sénateur Roux) des Artistes pour la Paix.
Cette loi fut hélas mise en application sous le commandement d’un policier collectionneur d’armes qui a exigé la rédaction de formulaires d’enregistrements inutilement élaborés, qui ont extraordinairement compliqué le processus. En outre viciée par des outils informatiques défectueux, l’opération d’enregistrement des armes a connu un accroissement vertigineux des coûts. Ces coûts sont du passé, on peut maintenant craindre qu’ils n’aient été gaspillés en pure perte.
Rappelons ensuite l’existence chez les Artistes pour la Paix de la Fondation le Silence des armes, présidée par Marie-Claire Séguin et initiée par le peintre et sculpteur Alex Magrini, tous deux nommés artistes pour la paix de l’année en 1994 et 95 à cause de leur admirable engagement dans cet épineux dossier. Ils ont pu compter sur la totale collaboration des polices de Montréal, Chicoutimi et Québec, sans compter des retombées fort médiatisées en Belgique et aux Pays-Bas. Alex y fut reçu par des ministres qui organisèrent des cérémonies publiques en présence de militaires canadiens. Grâce à la Fondation, des artistes tels que Michel Goulet offraient leurs oeuvres en échange contre la remise par des individus d’armes ensuite rendues inopérantes par la police : certaines de ces armes devinrent des oeuvres d’art – on se souvient du piano pour la paix offert au président Aristide qui l’installa au palais présidentiel d’Haïti et en fit un symbole de la
désintégration de son armée (principalement occupée au trafic de cocaïne).
Hélas, le tremblement de terre à Port-au-Prince a détruit le palais il y a deux ans et le nouveau président d’Haïti s’est prononcé pour le retour ruineux de l’armée haïtienne. La loi sur le contrôle des armes à feu au Canada fut attaquée en 2009 par le député réformiste Breitkreuz qui voulait, comme le projet de loi C-19 actuel, en exempter fusils et carabines, alors qu’ils restent statistiquement les armes qui tuent le plus de Canadiens lors de drames domestiques, de suicides et de meurtres de policiers. Nous vous avions écrit à cette occasion. Élément cocasse mais révélateur, le député Breitkreuz s’était trouvé l’invité d’une soirée lucrative faisant la promotion d’armes à feu à Toronto, ville qui a pourtant considérablement souffert des gangs armés : or, cette soirée offrait comme prix de présence … une arme de poing, précisément la bête noire des policiers de Toronto dans leur lutte contre ces gangsters.
Les Artistes pour la Paix ont endossé la recommandation de monitoring international d’armes de la Commission sur la Gouvernance Globale présidée à l’orée du millénaire par Nelson Mandela et Gro Brundtland, leur initiative étant prolongée par les démarches à l’automne 2008 d’ Oxfam et d’Amnistie Internationale pour fonder un registre des exportations internationales d’armes à l’ONU.
Par contre, l’ex-ministre conservateur de la Défense et lobbyiste de compagnies d’armements Gordon O’Connor avait fait que le Canada était devenu en 2006 sixième exportateur d’armes et quatrième de munitions au monde, à notre grande honte. Le présent gouvernement tente de vous convaincre de défaire les acquis du Canada en surveillance et en contrôle des armes dans le secteur civil, même malgré l’opposition de notre gouvernement du Québec représenté par le ministre de la Justice Jean-Marc Fournier et celle de tous les policiers canadiens. On sait que ces derniers ont été fréquemment protégés par des consultations du registre des armes à feu. Mentionnons à quel point il est utile et vital que les policiers confisquent leurs armes, par exemple à des maris brutaux et jaloux condamnés pour divers délits comme l’ivresse au volant qui peuvent constituer des signes avant-coureurs de dérapages violents.
C’est pourquoi les Artistes pour la Paix, à l’instar de la Coalition pour le contrôle des armes à feu dont la porte-parole est Wendy Cukier et du mouvement Polytechnique se souvient dirigé par Heidi Rathjen à Montréal, réaffirment leur opposition à la volonté criminellement négligente du gouvernement Harper de détruire les données du registre des armes à feu.
Nous avons confiance que vous-même au Sénat saurez vous montrer digne du travail acharné de vos distingués prédécesseurs, Jean-Louis Roux et le regretté Gérald Beaudoin, et que vous saurez appuyer la loi et l’ordre, contre la volonté rétrograde des Réformistes de nous ramener à l’époque du Far-West, au grand plaisir des vendeurs d’armes et de cercueils. Car le projet de loi C-19 :
• Éliminera l’obligation de vérifier la validité des permis lors de la vente ou du transfert d’armes à feu;
• N’inclut pas de dispositions visant à rétablir l’obligation pour les entreprises de tenir des registres de ventes d’armes à feu, une exigence qui est en place depuis plus de 30 ans et qui est essentielle afin de permettre le traçage des armes à feu. Cette obligation avait été abrogée avec l’entrée en vigueur de la Loi sur les armes à feu puisque toutes les armes étaient désormais enregistrées à leurs propriétaires respectifs au point de vente;
• Détruira les données concernant les 7,1 millions d’armes d’épaule présentement enregistrées, en dépit du fait que les données pourraient être utiles au travail d’enquête des policiers afin de tracer les armes à feu. Plusieurs traités internationaux exigent que les pays conservent les traces relatives aux ventes d’armes à feu pour des fins de retraçage;
• Permettra à une personne autorisée d’acquérir un nombre illimité d’armes à feu non-restreintes sans même que la validité de son permis ne soit vérifiée et sans que les autorités n’en soient alertées. Ainsi, il n’y aura plus aucun moyen de savoir qui possède ces armes puissantes, qui les vend ou combien il existe de propriétaires;
• Détruira un outil utilisé par les policiers pour retirer les armes à feu d’entre les mains d’individus dangereux, pour appliquer les ordonnances d’interdiction et pour entreprendre des actions préventives.
Nous sommes par conséquent catastrophés du recul pour la cause de la paix que la loi C-19 entraînerait : vous avez donc tout notre encouragement à voter de façon responsable et éclairée.
Recevez l’expression de nos sentiments chaleureux,
Pierre Jasmin, vice-président des Artistes pour la Paix
Présidents d’honneur :
Antonine Maillet
Richard Séguin
Président :
Daniel-Jean Primeau
C.P. 867, Succ. C, Montréal, Qc H2L 4L6
cc à (au, aux)
1- différents partis à la Chambre des Communes
2- gouvernement du Québec : ministre de la Justice Jean-Marc Fournier
3- trois partis d’opposition au Québec : PQ, CAQ et Québec Solidaire
4- médias
5- la coalition pour le contrôle des armes à feu
6- Polytechnique se souvient
7- Oxfam et à Amnistie internationale »
La Coalition pour le contrôle des armes nous a fait parvenir ce court message: MERCI!
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